Shatraug, comme à son habitude, ne peut s’empêcher de composer un arsenal de titres toujours plus agressifs, toujours plus affirmés à célébrer la rugosité de la Finlande et son univers mystérieux, résolument singulier et sauvage. Il ne le sait pas encore, mais il écrit, avec HORNA notamment, les premières pages du Black finlandais où maints groupes puiseront son essence agressive par la suite ou s’en revendiqueront. Après un deuxième album plus ou moins concluant et le départ de Moredhel, Shatraug va s’attacher pendant quelques années à décliner une belle série d’EPs et de splits, ponctuée par quelques albums, dont le "Envaatnags Eflos Solf Esgantaavne" en 2005, qui marquera la collaboration de Shatraug avec un nouveau chanteur : Corvus.
Pour l’heure, les Finlandais HORNA sont totalement plongés dans la fin de ce millénaire à affiner leur Black Metal cru, haineux, profondément enraciné dans l’underground et refusant tout compromis avec les circuits commerciaux : pas de tournées, pas d’interviews, pas de promotions ou de poses circonstanciées. Chanté entièrement en finnois, "Perimä Vihassa Ja Verikostossa" est un concentré de cet art brut, viscéralement haineux, à la production lo-fi, au son de guitare abrasif tel du papier de verre, et suintant par tous les pores l’hostilité. Des deux EPs paraissant en 1999, celui-ci est mon préféré, bien que "Sota", quoique bien plus court et malgré une production plutôt sommaire, contienne de très bons riffs.
Démarrant par un riff très « Viking War Metal » avec son premier titre sacrément entraînant, "A Ring To Rule", "Perimä Vihassa Ja Verikostossa" nous embarque pour un peu plus de vingt minutes abondantes de riffs glacials, mélodiques à souhait, et bien portés sur le nocturne et son obsession hantée. Shatraug a toujours apprécié les compositions de cet EP, et on le comprend. En effet, il reste bien varié, les titres sont aussi plus courts et demeurent plus directs. "Pimeys Yllä Pyhän Maan" est impitoyable dans son ambiance froide et guerrière. Les vocaux hirsutes et un poil trop canardeux de Nazgul ont cette invective sale chevillée au corps. Ils n’apportent pas grand-chose, mais se marient bien avec les compositions glaciales de Shatraug. "Verikammari", avec son mid-tempo frénétique, nous emmène dans je ne sais quel souterrain humide et suintant les viscosités, tandis que "Ghas Inras" ralentit encore le rythme, et les déclamations de Nazgul se veulent plus obscures encore.
"Perimä Vihassa Ja Verikostossa" est un EP intéressant de la discographie de HORNA. Il ne renversera pas la table, mais donne quelques clefs de lecture supplémentaires pour comprendre l’esprit misanthropique de Shatraug. Il synthétise aussi les différentes influences et joue des coudes avec les compatriotes de l’époque (BEHEXEN, SATANIC WARMASTER, BAPTISM, DARKWOODS MY BETROTHED) qui sortent déjà des albums ou initient leurs premières démos. Toute une époque, en somme, et cet EP en est le parfait témoin sérieux, congruent et intéressant.