Serait-ce l’album de trop qui aura scellé le sort du groupe de clous ? Nous pouvons nous poser la question légitimement car, après "Thy Black Destiny", ce groupe tant prometteur disparaîtra totalement des radars. L’escroquerie du bug de l’an 2000 serait-elle passée par là ? Ou alors, plus plausible, l’épuisement des inspirations ou une mésentente cordiale dans le groupe auront-ils eu raison de lui ? Pas vraiment, le split n’a jamais été annoncé, un dernier concert a bien eu lieu lors de l’été 2001, et puis plus rien, le chaudron s’est éteint. De l’aveu d’Anders, dans une interview datée de 2012, il n‘a plus touché sa guitare depuis… Ce dernier opus aura-t-il donc tinté le glas de SACRAMENTUM ? Offre-t-il de quoi se sustenter pour les quelques décennies à venir, à l’instar de son premier long essai prodigieux ?
L’album se veut volontiers plus direct, son approche thrashy écarte définitivement les brumes mélodiques et les volutes bleutées de "Far Away From The Sun", le virage déjà amorcé par "The Coming Of Chaos" se confirme avec ce dernier opus. Un exemple frappant ? "Shun The Light", le second titre qui déclenche les hostilités de l’album après une introduction discrète, semble tout droit sorti de "The Coming Of Chaos", tant la diction de Nisse Karlén et le riffing d’Anders Brolycke nous rappellent le titre "Black Destiny" présent sur l’album de 1997. D’autres titres me font penser, outrageusement ou pas, à l’album précédent, je veux parler de "Rapturous Paradise (Peccata Mortali)" et de "Weave Of Illusion". L’album est-il donc son prolongement consensuel et passable ? J’ai du mal à y croire, SACRAMENTUM compose rapidement et accoucher de trois albums et d’un EP en l’espace de cinq ans donne au moins l’indication que le groupe ne semblait pas s’enliser. L’adjonction d’un nouveau guitariste, et pas des moindres, Niclas Andersson de LORD BELIAL, renforcera quelque peu l’inclinaison du groupe vers le Death Metal. LORD BELIAL est amicalement relié à SACRAMENTUM, Nisse Karlén y a fait un temps quelques riffs de guitare.
De l’aveu même d’Anders, le changement de cap était délibéré, car SACRAMENTUM ne supportait plus la scène Black Metal qui s’ouvrait vers le grand-guignolesque, autant dans les attitudes que dans les accoutrements sordides. Sous l’impulsion d’Andy LaRocque, ancien guitariste de KING DIAMOND et auguste producteur à ses heures de retraite, le rendu général de "Thy Black Destiny" tinte aussi du côté de quelques riffings volontiers Heavy. Avouons-le tout de suite : nul naufrage à l’horizon, point de survie, SACRAMENTUM s’anime tout aussi bien sur cet album aux relents plus Death que Black Metal. La brutalité, volontairement espiègle, distillée avec parcimonie, n’occulte pas l’écoute mais l’anime de manière ingénieuse comme sur "Demonaeon", l’un des meilleurs titres de l’album, si ce n’est le meilleur à mes yeux, aux mélodies intelligibles. Le rythme du morceau est parfaitement inspiré. Un peu à la manière de "My Shadow" de DECAMERON, je retrouve une dose punchy, salvatrice et bien vitaminée, et des leads accomplis et mélodieux.
Cependant, j’ai comme un goût un peu amer dans la bouche et je pense que le groupe l’a partagé intimement. SACRAMENTUM a tourné le dos à la scène Black Metal par principe, en lui offrant le majestueux et succès d’estime "Far Away From The Sun", mais SACRAMENTUM s’est fait doubler par une horde de groupes bien plus habiles et doués à produire un Blackened Death Metal de qualité, je pense notamment à NAGLFAR, LORD BELIAL ou bien encore BEHEMOTH. Peut-être aurait-il fallu que le groupe persévère sur la rampe de lancement de leur Black Mélodique indubitablement prononcé. Je ne parlerai pas de gâchis car ce dernier album n’est ni mauvais ni bon, sa production légèrement étouffée ne lui rend pas honneur, et les compositions sont globalement inégales et n’emballent pas complètement l’auditeur que je suis. Difficile de faire le deuil des quasi 46 minutes de l’album à la magnifique cover signée Necrolord. L’artwork de cet album tranche quelque peu, et bien qu’il ne faille pas tirer hâtivement de conclusion, l’esthétique moyenne de "Thy Black Destiny" colle au pressentiment inquiétant. Le titre éponyme qui clôt l’album comporte un message quelque peu visionnaire :
"Oblivion, silence, emptiness
Break through the illusion
Transcend the fading requiem
The flame is gone and so am I."
Le tintement d’un carillon soufflant les dernières secondes de l’album – nous parlions de glas tout à l’heure –, ne fait que renforcer cet assentiment. Alors SACRAMENTUM n’est plus, est-ce bien cela ? Eh bien, pas tout à fait. En ses heures fastes estivales, le groupe nous a sorti le 12 août un petit split avec les Ricains de CROSSSPITTER intitulé sobrement : "Satan’s Black Sex Masses". Tiens, tiens, mais qu’est-ce que c’est encore que cette histoire, me direz-vous ! SACRAMENTUM n’y joue qu’une reprise, celle de "Black Masses" de MERCYFUL FATE (une des inspirations du groupe !). Alors simple invitation ou remise en route du moteur ? Eh bien, croisons les doigts…
N.B : cette chronique a été écrite avant la reformation officielle du groupe, sa série de concerts et le suicide de Nisse Karlén...