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Antestor - The Forsaken
Chronique par Storm - Publiée le 22/11/2025
Antestor - The Forsaken
Note : 5.5/6
Genre : Melodic Black Metal
Année : 2005
Label : Endtime Productions
Pays : Norvège
Durée : 44:48
Tracklist :
1.
Rites of Death
04:14
2.
Old Times Cruelty
03:56
3.
Via Dolorosa
05:09
4.
Raade
03:28
5.
The Crown I Carry
04:52
6.
Betrayed
04:21
7.
Vale of Tears
05:52
8.
The Return
04:47
9.
As I Die
04:51
10.
Mitt hjerte
03:18

Et pourquoi ne pas re-retourner les croix ? Le Black Metal est devenu plus consensuel ces deux dernières décennies, et la variété de ses ramifications qui tendent de plus en plus à s’ouvrir vers de nouvelles perspectives plus consensuelles, plus accessibles aussi, font que ce courant si subversif originellement s’intègre aujourd’hui bien plus aisément dans nos paysages sociétaux et sociaux actuels. Les propos et les actes jusqu’au-boutistes sont-ils relégués à jamais aux esprits du passé ? Où sont passés les terreurs, les crimes qui ont enivré tant de générations avides de sensations fortes et de transgressions ultimes ? Mais en même temps, si la charpente de ce mouvement artistique ne vacille pas trop c’est bien qu’il a su se construire et s’imposer durement dans le temps sans devenir la lubie d’adolescents instables et écervelés. Au contraire, en brassant ces eaux froides avec d’autres plus tempérés, son aspect saumâtre rend riche et prolifique son champ des possibles.

Alors être christianophobe ou satanophobe, contre-culturel, suprémaciste ou marxiste, il paraît convenu que le Black Metal accueille et accueillera toujours en son sein tous les pestiférés du monde entier. En 2005, ANTESTOR n’est pas tombé du nid, certains de ses membres sont actifs depuis la fin des années 80 lorsque le combo s’appelait alors CRUSH EVIL. Passons sur les menaces de mort que le groupe a reçues de la part d’Euronymous, de Varg Vikernes et de Faust à la fin des années 90. Enjambons cela et changeons de siècle. Et si les musiciens de ANTESTOR se présentent avec ce "The Forsaken" « un chapelet aux pinces » (*), il est bon ton de dire aussi qu’il catapulte ses ennemis dans leurs propres tranchées. Hellhammer du groupe MAYHEM a rejoint ANTESTOR le temps de cet album pour poser son jeu de batterie. Hé oui ça vous étonne ? Et le fameux Necrolord s’est occupé de la pochette au rendu pour le moins original et gentillet dira-t-on. Qu’en penserez-vous ? Revenons à la musique.

ANTESTOR nous propose un Black Metal superbement mélodique, c’est un fait. Combinant des leads majestueux, les riffs des guitares happent le mental instantanément. Appuyé par un chant vindicatif, le grain puissant et aiguisé de Vrede n’a rien à envier à ses confrères satanistes. Quérulent et tempétueux, il saisit rapidement l’auditeur. Les autres musiciens de ANTESTOR ne sont pas en reste et ne ressemblent en aucun point aux petits chanteurs à la croix de bois, ni même à de preux enfants de chœur, mais plutôt à d’authentiques métalleux possédés par leurs assentiments et leurs agressivités. Et "The Forsaken" est le réceptacle merveilleux de cette escalade de violence mélodique aux ambiances Heavy sur certains soli ou breaks ("The Crown I Carry", "The Return"), mais aussi atmosphériques et épiques lorsque les claviers prennent le pas ("Betrayed"). "Via Dolorosa" est un titre incroyable d’un Black Mélodique superbe. Le riff apparaissant peu après les deux minutes me fait associer à celui du titre de STORM : "Langt Borti Lia". C’est un récital complet et sa variété de rythme et d’ambiances impose le respect. Et que dire aussi de l’interlude mélancolique : "Raade", belle à pleurer. Elle secoue l’âme, ses montées symphoniques et le chant élégiaque d’Ann-Mari Edvardsen potentialisent magiquement cet emportement vers les cieux. Mais il me faudrait vous conter aussi le très LORD BELIAL-ien : "Vale Of Tears", le très DEATH : "As I Die" et j’en passe…

Rien à redire sur "The Forsaken", pas des plus linéaires et homogènes qu’ils soient tant il brasse de multiples influences avec une technique sans faille et hautement inspirée. La production est impeccable, fluide. Toujours rien à redire de ce côté-là non plus. Seul bémol peut-être qui m’empêche d’un cheveu de mettre la note maximum reste selon moi le manque léger (très léger hein !) de cohésion de l’ensemble. Cela pourrait avoir tendance à rendre difficilement lisible ce "The Forsaken". Mais c’est pinailler car ANTESTOR nous sert un UnBlack Metal de haute couture, de haute gastronomie, génial dans son ensemble et surtout dans ces détails. Le travail de composition et d’enregistrement est à remarquer. Nul doute que cet album vous emmènera à traverser une multitude d’émotions, le tout avec aisance et maestria. Magnifique !

(*) RIMBAUD : "Lettre à Ernest Delahaye" (à propos de Verlaine) - février 1875.