Avec son approche glaciale, martiale et brutale, HATE FOREST est le projet musical de Roman Saenko qui impose le plus une identité sonore radicale. Foncièrement belliqueux, et ce dès les premières démos, HATE FOREST instruit une ligne de conduite sonore impitoyable. Se concentrant avant tout sur des guitares tranchantes comme des lames de rasoir, une voix caverneuse bien plus grondée qu’hurlée, des blasts bien martelés, minimalistes et martiaux, des répétitions hypnotiques des riffs, les fiers Ukrainiens de HATE FOREST ont ce dessein guerrier, cryptique qui laisse planer une aura misanthropique ténébreuse sur chacun de leurs titres. Nulle ornementation mélodique, nulle recherche atmosphérique comme avec l’autre projet de Saenko, DRUDKH, HATE FOREST est un projet qui ne cherche aucune concession. Il libère, sous l’égide d’une production crue, rêche et sèche, une inhumanité, une grandeur païenne, ainsi qu’un message écrasant d’inimité et de haine noirâtre.

"Nietzscheism" est une compilation qui regroupe certains titres des premiers EP cultissimes de HATE FOREST, notamment les fameux "Darkness" (2000), "Ritual" (2001), et le très tendancieux "Blood And Fire" (2001). Ce regroupement de titres aura très certainement permis, à bon nombre de fans, de découvrir les titres les plus anciens de Roman Saenko tout en harmonisant la production. À l’écoute de ceux-ci, il est évident de penser que HATE FOREST n’a décidément jamais changé malgré le temps passé, et c’est tout à l’honneur de son géniteur. Laissez-vous embarquer dans le maquis, les armes aux poings avec "Wood Brothers" (titre que vous pourrez retrouver sur la compilation sulfureuse du même nom, qui honore les armées de résistances nationalistes baltes et ukrainiennes face à l’ennemi russe…), et partez épier l’ennemi avant de fondre sur lui en contemplant son effroi. La voix de plantigrade mal léché de Roman a son importance dans ce foudroiement. Elle incarne cette agressivité sereine mais toujours pugnace et acharnée.

HATE FOREST n’a jamais fait dans le compromis, ni dans la recherche à outrance de la belle mélodicité. Non ! L’aspect rigide, insensible, froid, mécanique des compositions a toujours eu le don de promouvoir l’implacabilité de leurs riffs secs, crus et d’en exhausser leur saveur inhumaine. HATE FOREST est parfois associé (à tort ou à raison) à une dimension idéologique païenne/slavophile, mais Roman Saenko lui-même a toujours rejeté l’idée de messages politiques, se concentrant plutôt sur l’histoire, la mythologie et la nature. "Scythia" est un de ces titres génériques qui ont su établir la force et la puissance de l’aura de ce projet au sein de la scène du Black Metal. Tempétueux, haineux, incandescent et hypnotique à la fois, ce titre nous donne l’impression de voyager dans les steppes meurtries de la grande Ukraine tout en nous confondant avec les paysages décharnés. Évidemment je ne vous ferai pas un laïus autour d’"Aryosophia", malgré que le titre dévoile une certaine efficacité, bien aidé par cette batterie programmée accentuant cette froideur hypnotique et dissociative.

"Nietzscheism" est une compilation nécessaire à écouter pour tous les fans invétérés de HATE FOREST. C’est également une belle porte d’entrée pour connaître la genèse de ce projet sulfureux qui a pris racine au milieu des années 90, avant qu’il ne s’affirme pleinement. On y voit encore un HATE FOREST en gestation, mais déjà prêt à bondir, proposant un Black Metal très singulier, inégalable, supra-nihiliste et férocement inhumain. Les amateurs en auront pour leur compte, les habitués passeront un excellent moment.