Enfant des ténèbres et de l’enfer je t’adore. Enfant du racisme et de la haine je t’abhorre… Ceci est un préambule et un avertissement pour vous, chers lecteurs, pour que vous ne me montiez pas de suite vers l’échafaud que je mérite. Car, en chroniquant cet album des ennemis notoires de la paix que sont les Ukrainiens de TEMNOZOR, peut-être que vous me pardonnerez ces quelques mots à leur propos et la note que j’escompte leur affubler. Cet album mérite-t-il l’autodafé par le seul fait qu’il est le produit d’hommes mauvais sous tous rapports ? Pour l’amoureux de Black Metal que je suis, certainement pas.
Voilà un certain temps que je n’avais pas réécouté cet album qui m’avait largement fait frissonner du temps où je happais au vol tout ce qui passait à ma portée sans me soucier du propos ni du curriculum vitae des auteurs. Les temps ont changé, et il est maintenant convenu pour certains de n’accorder aucun crédit, aucune écoute possible, ni aucun regard à des œuvres extrêmes, aux propos plus que dérangeants et qui s’affirment « identitaires », s’en font parfois les étendards, militant dans ce sens à plus ou moins bas bruit. Ces œuvres peuvent blesser, ces albums peuvent ruiner la pensée, mais elles sont le fruit pourtant d’une création. Et c’est sur ce pan et cet angle que je souhaite orienter ma chronique.
Les Ukrainiens de TEMNOZOR possèdent-ils cette dualité dans leurs gènes ou ont-ils muté par le conditionnement de leurs pensées horribles ? Un jour l’épigénétique pourra peut-être nous aider à comprendre, de ce qui nous appartient et de ce que nous avons hérité… Maintenant il est temps de plonger dans cette œuvre géniale de TEMNOZOR qui comporte, avec sa production claire et puissante, tout un tas d’ambiances épiques, atmosphériques, belliqueuses (vous l’aurez compris) et auréolées d’une aura noire aux reflets incandescents. Les aspects folkloriques et acoustiques sont prégnants au sein de cet album et font aussi la force de certains de ses titres. La flûte, notamment, de Ratibor apporte cette douce mélancolie et ce puissant sentiment de nostalgie ("Folkstorm Of The Azure Nights", "Watch The Falcons Fly") que le chant clair de P. Noir (très expressif et à la belle tessiture) et les guitares classiques utilisées abondamment potentialisent ("Where The Lazure Skies Tear The Hearts Apart").
Je m’érige un peu en faux concernant les vocaux acérés et déchirés de l’infréquentable Kaldrad qui semblent ne pas avoir convaincu tous les chroniqueurs ; je les trouve pour ma part intéressants, utilisés à bon escient (sur cet album, trois chanteurs se partagent l’affiche), et le timbre slave si caractéristique d’où ils sortent, si rugueux naturellement, apporte cette dose supplémentaire de haine désabusée. Je suis par contre tout à fait d’accord que certains titres sont en dessous des autres et qu’ils ne suivent pas tous le même fil conducteur – sans être mauvais pour autant (la bien folklorique et quelque peu festive et guerrière "Arkona"). Un dernier mot, enfin, pour conclure, et pas des moindres. Je ne peux m’échapper de cette chronique sans vous parler du titre qui, littéralement, s’est rappelé à moi, que je n’avais pas réécouté depuis tant de temps, et qui est le seul responsable de cette chronique expresse. Je veux vous parler de cette pièce d’orfèvrerie : "As The Autumn Razors Sing Above My Vein".
Si tous les titres avaient déjà réservé une place auprès de la beauté, ce titre les toise du plus haut des sommets. J’ai coutume de dire que dans la vie d’un adorateur de Black Metal, il existe des titres indispensables que l’on se doit d’écouter au moins une fois et "As The Autumn Razors Sing Above My Vein" est un de ces incontestables. En sept petites minutes, et le regard hagard mirant cette somptueuse pochette, peut-être que vous partirez dans la rêverie de ces Ukrainiens et dans la pureté émotionnelle de leur musique. Les riffs vont vous assaillir, l’alternance des chants va vous faire vibrer ou serrer le poing, la flûte va vous enchanter de sa douceur angélique et les rythmes vont vous faire tressaillir et vous emballer le cœur. Pour moi, il existe peu de titres avec une si belle hauteur de vue, avec un si beau vivier de joyaux mélodiques. À lui seul, "As The Autumn Razors Sing Above My Vein" vaut l’écoute ou la découverte de cet album. Je me souviens très bien qu’il y a bien une quinzaine d’années, il m’a accompagné dans une longue marche nocturne et solitaire et que je l’ai écouté sans discontinuer, le regard toujours perdu dans les étoiles et le ciel de traîne. Une splendeur !