Il était une fois LIFELOVER du temps où il restait encore à nos Suédois deux ans de survie. Deux petites années avant que le leader, Jonas Lars Bergqvist, ne passe définitivement l’arme à gauche peu après avoir soufflé ces vingt-cinq printemps. Bien dommage lorsque l’on sait toutes les tripes qu’il a foutues dans ce projet, mais bon le déraisonnable et la prise de risque ont fait partie de sa vie alors… "Dekadens" est donc un peu cet oiseau de proie qui ne se déchiquète plus que lui-même et offre encore quelques bonnes poignées de minutes désenchantées.
La recette qui a fait le succès de LIFELOVER et la considération du public à son égard reste peu inchangée, même si la noirceur du Black Metal se travestit davantage avec des éléments plus Rock. Dégénérés au premier degré, nos Suédois compulsent toujours ces ambiances blafardes et dépressives avec des mélodies tenaces – somme toutes assez larmoyantes – qui prennent en tenaille le cœur et hurlent au désenchantement. Nul caprice adulescent, Bergqvist fait de sa vie une musique qui danse au rythme de la défonce, et de la plongée dans les cauchemars indélébiles. L’on imagine sans trop de difficultés que "Dekadens" ne fera pas semblant et nous ordonnera quelques prescriptions toxiques de quelques plaisirs éphémères.
Dans la solitude urbaine de la nuit, les titres de "Dekadens" résonnent comme des compagnons de galère, et nous sollicitent à nous poser des questions sans fin, avec comme unique compagnon un pâle réverbère illuminant le mauvais sort et les souffrances. Cet EP reste en deçà des très torturés mais non moins inspirés premiers albums "Pulver", "Erotik" et "Konkurs", mais subsiste tout de même en son sein quelques pépites bien conservées. Prenez le titre inaugural, et son riffing de tueur qu’une batterie – une vraie de vraie enfin ! – au son bien tranchant, me rappelant celle de APATI, accompagne avec ferveur. Et d’ailleurs ces leads sont un peu la marque de fabrique des Suédois. Ils sont… décadents, tout comme le sont les hurlements de Kim Carlsson alias ( ). Lui et Graf de PSYCHONAUT 4 peuvent vraiment se passer le relais, car en matière de déchirements et de congruence, rares sont ceux qui peuvent les égaler. Et peut-être bien aussi que les Georgiens de PSYCHONAUT 4 sont nés des cendres encore fumantes de LIFELOVER. En tout cas, il y a des similitudes d’approche frappantes.
Mais il y a aussi un peu de moins bon sur cet EP, du moins des compositions un peu plus lassantes ou plus fatiguées pourrait-on dire. Je pense notamment à "Major Fuck Off" (l’illustration de ce titre dans la pochette est forte à propos. L’on y voit une photo d’un rail de cocaïne apposée sur le coffret du CD "Pulver"), ou bien encore à "Lethargy" qui a tendance un peu à tourner en rond. Rien à voir donc avec le titre concluant l’album, "Destination: Ingenstans", qui met le paquet dans le désarroi et les abîmes de la solitude. Au final, après cet ultime "Dekadens", il y aura bien le décrié "Sjukdom" dont je partage les nombreux avis, mais rien n’y fera. LIFELOVER a déjà abattu ses dernières cartes et "Dekadens" était bel et bien le dernier de ses atouts.