Seul et endeuillé, je combats le sort qui s’abat sur moi. Me voilà lié à l’épouvante. Ni tout à fait abattu, mais passablement enragé, j’affronte les épreuves qui cherchent à m’éliminer. Autrefois, mes ancêtres avaient su trouver la résilience et la ferveur pour briser les chaînes de la défaite et relever la tête fièrement face au malheur et aux oppresseurs. Et ce même jour arrive, il est à moi, je vais me délivrer. Je sens monter en moi tout cet héritage qui se contracte intérieurement. Je sais maintenant les règnes, je sais aussi l’angoisse, et je sais la haine…

DRUDKH, en cette année 2010, s’octroie une pause créative en reprenant deux titres sur cet EP frondeur. D’abord, il y a ce titre majestueux des Polonais de SACRILEGIUM : "Tam Gdzie Gaśnie Dzień..." (= là où le jour s’éteint), initialement proposé sur le split "Jesienne Szepty" sorti en 1996. Autant dire que, vue la prestation de DRUDKH sur ce titre, je me suis empressé de découvrir le combo originel, et bien m’en a pris, car cette virée slave dans les années 90s m’a permis de dénicher leur premier très bel album, sobrement intitulé "Wicher", et que je vous ferai découvrir dans une prochaine chronique. Je ferme la parenthèse, mais DRUDKH en a fait une reprise typique de ce que l’on aime à entendre chez les Ukrainiens. Mid-tempo détrousseur de cadavres, lançant fermement des armées de surineurs à envahir les plaines de la désolation, riffing entêtant superbe qui désinhibe encore davantage l’envie de rendre à la Mort les vivants, de faire chuter l’autre d’un dernier bruit sourd sur le sol, et vocaux prédicateurs – ceux de Thurios – pour lancer les flammes et vomir l’étreinte des ténèbres. Tout y est dans ce titre évocateur, y compris les instruments traditionnels, en l’espèce de la sopilka, la flûte traditionnelle ukrainienne, que vous aurez à loisir d’entendre subrepticement au milieu du titre.

Pour l’anecdote, DRUDKH y a convié les mots d’un poète ukrainien, Vadym Lesych (1909-1982), en l’absence de retour de SACRILEGIUM pour obtenir les paroles. En tous cas, la reprise est une réussite et paraît être l’œuvre de DRUDKH tant le sentiment d’appropriation semble s’en être emparé. Enfin, "Slavonic Chronicles" comprend une autre reprise, cette fois moins conventionnelle pour nos Ukrainiens, celle du groupe tchèque MASTER’S HAMMER, tirée de leur album de 1995 : "Šlágry". Et là encore, la patte de DRUDKH fait des ravages sur ce titre : "Indiánská Píseň Hrůzy", qui ici s’habille d’un Black Metal viscéral et agressif. La voix de Thurios fait terriblement son office et congédie le Folk Metal originel à sa propre déroute…

Rien à redire donc du côté de DRUDKH, qui fait pâlir vertement chacun des deux titres originaux. Les Ukrainiens sont des maîtres, et si cette chronique pourrait paraître inutile – elle boucle la discographie du groupe sur ce site, en tous cas – elle aura, je l’espère, attisé l’attention de quelques-uns ou conforté ce qu’une grande majorité sait : DRUDKH est omnipotent et honore ses racines, l’histoire de son pays, et fait la fierté de ses ancêtres qui, dans les profondeurs de leurs enfers, acclament ces Ukrainiens de génie.