Il est vrai que ANTESTOR avait frappé extrêmement fort et de manière très précise et exemplaire avec leur précédent album intitulé "The Forsaken", brûlot sans concession de Death/Black Mélodique comme il en sort que si peu et si rarement depuis si longtemps. Et cette fois nos Norvégiens ont aiguisé leurs crocs pour nous planter la bidoche avec une salive bien plus acide qu’à l’accoutumée. Mais avant de démarrer les hostilités, petit point d’histoire. ANTESTOR (littéralement « témoin » en latin), s’appelait initialement CRUSH EVIL et avait pour principale ambition comme son nom l’indique de prendre le contrepied des scènes Metal de l’époque davantage tournées vers des intentions maléfiques. Une démo sort rapidement ("The Defeat Of Satan" - 1992) et ressemble peu ou prou à leur seconde démo, "Despair" (1993) présentée sous leur nouveau patronyme (davantage neutre et moins déclencheur d’inimitiés). Influencé par CATHEDRAL pour la variable Doom et des groupes tels que MORTIFICATION ou VENGEANCE RISING pour le versant Thrash/Death, ANTESTOR fomente le projet de devenir le groupe chrétien le plus extrême et évangéliste qu’il ait été d’entendre.
Il faut dire que leurs influences musicales croisent auprès d’entités plus ou moins vertueuses (nuançons tout de même), mais toujours bénies par l’amour chrétien. Citons par exemple STRYPER, BLOODGOOD, BARREN CROSS ou autres TESTAMENT… ANTESTOR a donc puisé dans la foi et l’amour de ces groupes pour passer eux-mêmes à l’action. Répétant dans un petit centre religieux, nos évangélistes-luthériens sortent en 1998 leur premier album "The Return Of The Black Death". Un premier essai assez remarquable je dois dire d’un Doom/Death lugubre à souhait et déjà fortement orienté d’un (Un)Black Metal des plus torturés. Depuis leurs débuts en 1991, ANTESTOR a longtemps cherché sa voie (même si celle du Christ leur était pourtant déjà tracée). Oscillant à leurs débuts dans une complainte davantage orientée Doom/Death Metal (leurs démos), puis s’essayant dans un Doom/Black torturé (leur premier album de 1998), ANTESTOR fera un chemin détourné médiocre avec "Martyrium" (2000), album selon moi véritable fourre-tout et fatras de Death/Doom (dans cet ordre cette fois-ci). Bien que le groupe s’est efforcé d’ériger son style en l’auto-proclamant "Sorrow Metal" en réaction aux incendies d’églises et aux actes satanistes de la scène Black Metal, pour l’heure il a quelques difficultés pour s’installer durablement aux commandes.
C’est au prix de ce cheminement musical que ANTESTOR – après l’annonciateur EP "Det Tapte Liv" (2004) – change de braquet, de logo, et performe tous ces atouts expérientiels pour accoucher du sublime "The Forsaken" porté aux nues et consacrant le groupe. Fini les psaumes ex cathedra chantés solennellement ; cette fois les Norvégiens poussent les compteurs mélodiques et agressifs à leur maximum et cassent la baraque tout en mettant au pas leurs ennemis tout destinés. Une période de silence va passablement s’installer et durer sept ans (tout de même), avant la sortie de ce qui aurait pu s’annoncer comme le bouquet final de ANTESTOR en l’espèce de "Omen". Si l’on prend cet ultime album dans son ensemble nous pouvons remarquer qu’il déroule une ambiance bien plus sombre que son prédécesseur, ambiance qui nous rappelle aisément le Black Metal suédois des 90s, DARK FUNERAL en tête. Les atmosphères y sont ici beaucoup plus froides et tempétueuses et les soli lumineux si prépondérants sur "The Forsaken" font des apparitions éclairs au sein des titres. "Omen" déboussole dès ses premières écoutes, difficile de le comparer au mètre-étalon de "The Forsaken". Il paraît ennuyé au premier abord, être convenu et dérouler de manière scolaire ses cinquante et quelques minutes. Les vocalises de Vemod nous manquent un peu (il a préféré se concentrer sur les compositions et sur son jeu guitaristique), et même si celles du petit nouveau, Robert Bordevik, ne déméritent pas, elles manquent de folie.
Attaché à l’aspect mélodique qui a consacré ANTESTOR, certaines compositions de "Omen" nous redonnent espoir, je pense notamment aux fiévreux et majestueux titres que sont "In Solitude", "All Towers Must Fall". Des titres qui balancent un paquet d’émotions par grappes entières tout près d’un autel meurtri. Et puis il y a d’autres morceaux qui sont moins vivants, plus éteints ou convenus, même si ANTESTOR ne fait jamais de la merde soyons clairs. Au final l’album reste assez homogène dans ce qu’il présente : un Black/Death moins mélodique qu’il n’y paraît ("Remnants", "Torn Apart"). Pourtant quand le chant clair fait ses apparitions accompagné de ses besoins lumineux en soli, en breaks, ANTESTOR convainc de nouveau ("Treacherous Domain", "Benighted"). Le bouquet final de "Morkets Grode", ultime et racé, joueur et parfaitement exécuté, aura au moins le mérite de clore définitivement l’histoire de ANTESTOR de la plus belle des façons.
ANTESTOR a-t-il rejoint les ombres ? En tout cas le projet est enterré et se doit – ne serait-ce que par la variété de styles de ses différents albums – d’être considéré. Il n’y a pas que "The Forsaken" qui est à acclamer, "Omen" a sa part de mérite et l’album de 1998, "The Return Of The Black Death" est une pépite à (re)mettre à jour si vous voulez être embarqué dans d’incroyables souterrains d’une église qui tient bon et dévore elle-même de ses flammes les forces obscures et terrassantes. Amen ANTESTOR !