Imaginer l’insaisissable Swartadauþuz dans ses nuits de givre, tout de sapins étendus jusqu’à l’horizon perceptible, à la seule lueur de son imaginaire débordant et d’une pâle lune envoûtée, est certainement un fantasme de ma part mais qui se nourrit d’intimes convictions. Swartadauþuz est ce maître suédois imputrescible qui nourrit le Black Metal de ses plus beaux mets, et cela depuis déjà plus d’une décennie. Comment fait-il pour honorer et sublimer à ce point la ténébrosité et la lugubrité de l’essence même du Black Metal ? Où donc puise-t-il son inspiration et cette lecture musicale si richement et noblement interprétées ? BEKËTH NEXËHMU est certainement son tout premier projet d’envergure, celui notamment avec lequel il a plongé toute son âme dans l’encre et l’univers secret de la nuit. Et bien qu’il ait composé un nombre de démos et d’albums conséquents (quinze à ce jour, dont des doubles albums de plus de deux heures de musique hypnotique…), le projet BEKËTH NEXËHMU n’est point tari, puisque la dernière sortie en date, "De Dunklas Dorgeakt (Ett Nordiskt Afvsked...)", est de 2022.

Concernant "De Forna Sederna", il s’agit d’une démo et c’est également la quatrième sortie du projet cette année-là (sachant que Swartadauþuz a multiplié les albums avec certains de ses autres projets en 2014…). Bien que j’aie l’ambition de chroniquer l’ensemble de la discographie de BEKËTH NEXËHMU, j’ai choisi de démarrer ce périple par cette démo qui m’a beaucoup influencé à découvrir et à suivre d’un regard torve et persistant l’œuvre de Swartadauþuz. Il faut dire que "De Forna Sederna", s’il ne consacre pas son auteur, est pourtant richement doté d’atmosphères d’une élégance maligne et sombre, comme seul peu d’auteurs de Black Metal arrivent à en accoucher. Il est vrai qu’il y a du BURZUM dans certains de ces claviers funestes et dans la persévérance des boucles hypnotiques des nappes de riffs brouillardeuses. Certains y verront du PAYSAGE D’HIVER, du TRIST, ou bien encore du VINTERRIKET, et ils n’auront pas foncièrement tort.

"De Forna Sederna" nous adresse quatre plages sonores de Black Metal hautement atmosphérique et gargarisé de claviers ensorceleurs, densifiant, épaississant cette ambiance nocturne et cauchemardesque d’un brouillard hostile et prédateur. Musique du dehors et des grands espaces, "De Forna Sederna" nous entraîne à suivre les esprits de la nuit, à nous laisser guider par l’inconnu de la Nature, à ses secrets cachés, à ses mystères invisibles. Prenez par exemple la longue plage Ambient totalement envoûtante qu’est "Vinterlandskapens Klangor" (="Les sons des paysages hivernaux"), et accommodez vos yeux telle une espèce nocturne. Ressentez alors tout le dessein suggestif de ces boucles sonores infernales et hantées, de ce dédale de décibels qui hurlent à la lune et aux mauvais esprits. Repassez-vous "Själslig Urvilja", qui oui, trois fois oui, vous rappellera le "Det Som Engang Var" de qui vous savez, mais avec cette dimension encore plus lugubre et suprêmement envoûtante. Et que dire de ce "Det Isande Kallet" fantomatique, spectral, qui vous projettera hors de ce monde pour toucher les portes de l’invisible. Quelle démo exceptionnelle que ce "De Forna Sederna".

À l’instar de la démo de MUVITIUM (un autre projet d’envergure de Swartadauþuz), parue cette année, "Under Natthimlens Tecken...", pour laquelle j’avais accordé à raison la note maximale, je n’épargnerai pas ce "De Forna Sederna" de la plus haute distinction étoilée. Véritable pourvoyeuse de sentiments et d’émotions sensationnelles, cette démo voyageuse (de prime abord parue en cassette à seulement dix exemplaires), opaque et très bien composée, est à écouter sans modération dans les conditions optimales : loin de tout, du soleil et des hommes. Que la nature nous préserve.