Salt Lake City est connue pour être le berceau du mormonisme et pour avoir accueilli les Jeux olympiques d’hiver de 2002, mais ce n’est pas tout… Avec ses montagnes et le Grand Lac Salé (qui a donné son nom à la ville), la capitale de l’Utah offre des paysages grandioses, propres à la rêverie. Et du côté du Metal extrême, du Black Metal tout particulièrement, un duo a sévi et sévit encore (mais de manière plus anecdotique dorénavant), toujours présentement. Baignant dans cette nature dont ils tirent une partie de leur inspiration, Jake Rogers et Sven Smith continuent leur bonhomme de chemin dans différents groupes de moindre envergure, après avoir fleuri le pavé noir du Black Metal épique dans les années 2010. Si je vous dis GALLOWBRAID et CALADAN BROOD, il est possible que vous leviez d’un coup, d’un seul, les yeux et que je capte votre attention.

En effet, l’un, Jake Rogers, s’est occupé du seul EP de GALLOWBRAID, "Ashen Eidolon", sorti en 2010, tandis qu’accompagné de Sven Smith, le duo ainsi formé nous a livré un album monumental, longtemps admiré et perçu comme le pendant altier et prodige des Autrichiens de SUMMONING : le "Echoes Of Battle" de CALADAN BROOD sorti en 2013. Et ERED WETHRIN, dans tout cela ? Chers amis, sachez que cet unique album, "Tides Of War", est l’unique œuvre de Sven Smith et que cet album va vous transporter l’âme, de la même manière, à certaines nuances près, que les belles œuvres de Protector et Silenius ou de celles d’autres groupes tels qu’ELLFOR, DRUADAN FOREST ou bien encore les Polonais d’EVILFEAST (pour ce savant dosage hypnotique et sombre des claviers et des riffs). Vous aurez très certainement compris dans quelle nébuleuse ce projet évolue. Pas besoin de vous en faire davantage l’article. Fait intéressant, l’ensemble du matériel a été composé bien avant la sortie de l’album, autour de 2004 pour être plus précis, soit dix ans auparavant. Cela nous donne quelques pistes intéressantes de réflexion et remet également en perspective ces compositions au regard de l’époque dans laquelle elles ont tournoyé.

Et pour tout dire, "Tides Of War" est chargé, truffé (je vous laisse le soin de choisir le bon terme) d’ambiances savoureuses, hautement atmosphériques, épiques et brouillardeuses. Le nom du groupe nous confirme que l’univers de Tolkien est au centre de l’inspiration. L’album est dense, mais ne s’étale pas du tout dans des longueurs désuètes. Non, Sven Smith a tout à fait maîtrisé son sujet en nous adressant une copie complexe, détaillée et visionnaire. ERED WETHRIN n’est pas du tout un ersatz de SUMMONING, mais un digne frère de sang, sans doute possédé par les premières œuvres des Autrichiens, les "Dol Guldur" ou autres "Stronghold", mais avant tout beaucoup plus sombre, nuageux et tourmenté. À l’instar de SUMMONING, "Tides Of War" est une œuvre qui se bonifie avec le temps et les écoutes successives. Elle sait se rappeler à nous, à nos bons souvenirs, à notre inconscient, lorsque surgissent, de l’inconnu et du hasard de nos pensées, des mélodies et des riffs de plusieurs de ses titres. Véritables compagnons de voyage, les "Frigid Tides" (diantre, quelle immersion !), "Frozen Rivers", ou encore "Into The Stars" et surtout "Bloody Annals And Brooding Skies" sont des morceaux ravageurs qui savent dompter les univers et les paysages sonores qu’ils proposent.

Décrire chacun d’entre eux mériterait plusieurs paragraphes et vous les dévoilerait. Est-ce bien nécessaire de les juger subjectivement ? Je vous laisse avant tout le bonheur de les découvrir. Dense, ténébreux et hautement singulier, ce "Tides Of War" est une pépite injustement cachée dans le limon fertile des années passées. Il nous aurait fallu gratter un peu cette terre et éconduire nos premiers jugements, souvent trop hâtifs, pour déployer les ailes d’un album mature, aux mélodies captivantes et cristallines. Tout comme "The Lost Dimension" de DRUADAN FOREST, cet unique album a de quoi lever la tête et aveugler l’horizon.