"Tsjuder" est un juron dans la langue norvégienne mais ce mot possède une autre histoire. Il provient de la définition littérale des Tchoudes, un des peuples finno-ougriens, constitués en tribu épouvantant les peuples scandinaves au IXᵉsiècle. TSJUDER a de quoi contempler l’aura maléfique qui les accompagne depuis leurs débuts en 1993, tant imperturbablement nos Norvégiens déclinent des albums sans cesse corrélés d’une fièvre haineuse et agressive.
TSJUDER a toujours joué la carte du « evil » un peu bourrine et outrancière. Malgré cela, nos Norvégiens nous ont adressé quelques offrandes maléfiques bien racées dont le fameux "Desert Northern Hell" ou l’impétueux "Demonic Possession". Ces deux albums ont déjà quelques bonnes années dans les pattes mais leurs écoutes conservent toujours un feu démoniaque inextinguible. Après la sortie du "Legion Helvete" de 2011, album bien ficelé jouant un Black Metal sans compromis volontiers thrashy, quelques années ont encore passé – c’est une habitude chez TSJUDER dorénavant – avant que Nag et Draugluin (les membres fondateurs), accompagnés de leur fidèle batteur Anti-Christian, accouchent de cet "Antiliv" signé chez Season Of Mist aux gracieuses heures de septembre 2015. Si toutefois vous auriez souhaité vous délecter d’un TSJUDER plus enjôleur et ouvert aux mélopées cristallines, vous pouvez d’ores et déjà tourner les talons. Fidèles à eux-mêmes, nos Norvégiens sont des jusqu’au-boutistes d’un Black Metal brutal et sans concessions. Bannissant jusqu’à ce que mort s’en suive la moindre once de claviers, TSJUDER se targue de multiplier de vrais missiles estampillés Black Metal… Un point c’est tout.
À l’instar d’un BEASTCRAFT ou d’un CRAFT, TSJUDER une nouvelle fois vous découpera par sa crudité et sa volonté féroce de vous dévorer la moelle. "Antiliv" ne dérogera pas à cette règle tacite entendez-le bien ! D’ailleurs, l’album démarre par une explosion sonore qui surprend habilement et pourrait nous faire croire à un écrêtage sonore, et rassurez-vous, le reste du titre ("Kaos") déploie la même brutalité. Énergique dans sa haine viscérale et son identité belliqueuse et bileuse, TSJUDER joue sa partie sur les huit titres que composent "Antiliv". Alors que des titres tels que "Norge" ou "Ved Ferdens Ende" nous ramènent aux funèbres heures des premiers DARK FUNERAL ou SETHERIAL avec ce riffing caractéristique oppressant montrant une belle reverb opposant à notre volonté un mur sonore infernal, d’autres titres tels que "Djevelens Mesterverk" ou bien encore "Demonic Supremacy" par exemple convolent vers des aspects trashy frontaux voire punk (un peu à la manière des derniers albums de THE EXPLOITED).
D’une manière générale, "Antiliv" fait preuve de peu d’originalité mais redouble d’efficacité. Le riffing de Draugluin reste malsain et rend opérante l’épouvante de ses notes, les vocaux de Nag continuent à laminer inexorablement nos pensées bien qu’il me paraisse être moins flamboyant, et le jeu d’Anti-Christian derrière les fûts mériterait une belle breloque des enfers tant ses mandales ultra-techniques assaisonnent en continu l’album. Dernier point : la production s’avère assez neutre et permet une belle transparence. Plus sèche que sur le précédent opus, je l’apprécie davantage tant elle met en exergue plus aisément chaque instrument.
TSJUDER débectera les plus sages d’entre nous c’est une certitude. "Antiliv" ne révolutionnera pas le genre ni la discographie de TSJUDER mais se hisse parmi les autres albums à un bon niveau. Je regrette néanmoins le manque de folie que j’espérais tant. Mon petit doigt me dit qu’il vous faudra, pour être contenté autant que moi, jeter votre dévolu sur le dernier né des entrailles de TSJUDER, le redouté "Helvegr", un pur album des enfers. En attendant, écouter "Antiliv" nous fait passer un agréable moment (façon de parler). Rien de nouveau sous le soleil mais c’est déjà ça.