Le mystique, l’inconnu coulent et pulsent dans les artères de "Solitude" et cela en est même éclatant. Éclatant de beauté et de vie interne. Turgescentes et tressaillant au rythme d’un pouls volontiers saccadé, les compositions de cet album sont construites de manière à nous faire gagner des états seconds, des états d’abandon, d’un entre-deux où l’on perdrait aisément et totalement le fil des choses ainsi que le sentiment de réalité. On appellera cela de l’hypnose si vous voulez. SEVEROTH, avec ces rythmes saccadés et ces boucles sonores, ces samples délicats, nous y embarque dès les premiers flots mélodiques de son titre d’ouverture "Storm".
"Solitude" est le second album sublime de ce one-man-band ukrainien inspiré aux premières heures par les œuvres de BURZUM. Car l’on retrouve un peu de cette ambiance incroyable au sein de "Solitude" qui pourtant sait faire cavaler son Black Metal Atmosphérique à l’égal d’un DRUDKH. À ceci près, Illia Rafalskyi nous plonge dans ces ambiances galopantes avec l’appui de claviers discrets mais parfaitement maîtrisés. Les rythmes syncopés de la batterie jouent grandement leur rôle et sont enivrants au possible. Les deux premiers titres de l’album, "Storm" et "Solitude", s’égrènent sur plus de quatorze minutes chacun sans que l’impatience ou l’ennui ne se fasse sentir. Les yeux fermés, les neurones d’éveil en pause, leurs superbes ambiances atmosphériques produisent leurs effets. Et c’est comme si notre pensée, notre arbitraire, se diluait pour laisser place à cet abandon dont je vous parlais en début de chronique.
Le cœur de ces titres nous exhorte à progresser, à gagner l’inexploré, le caché, et à quitter ce que nous sommes pour gagner les seules volontés de forces supérieures. Et nous sentons leurs appels lorsque se dressent les émois de "Autumn’s Breath I". Nous quittons la rive de la vie, nous perdons en nous notre propre existence et, guidés par un instinct inconnu, nous partons ! Nous partons vers cet autre Nous, et vers cet ailleurs obscur et mystérieux. Reviendrons-nous ? Nul ne le sait, mais qu’importe ! À travers les brumes se dissipent la faune et la flore, et le temps se suspend. De nos yeux, nous distinguons de nouvelles formes, de nouvelles couleurs que "Last Birds" étirent jusqu’à gagner une forêt enneigée.
Plus encore que les albums qui lui succèderont, "Solitude" peint son Black Metal Atmosphérique avec une dose d’Ambient juste sublime. Chaque titre cultive une propre désolation mais aussi une grande rêverie. Et ces allers-retours vers l’un et l’autre dotent l’écoute de reflets tout à la fois mélancoliques et oniriques. Les plus de treize minutes de voyage de "Into The Past…" réussissent à nous emporter totalement. Et même si elles peuvent paraître longues, elles sont nécessaires pour percevoir totalement ce qui nous quitte.
Album de feu, "Solitude" est à part dans la discographie de SEVEROTH. Les claviers dominent les ambiances même si leur concours se veut discret. Nous sommes loin de la grandiloquence du Black Metal Symphonique. À l’instar des deux premiers albums de ARÍHT dont je vous ai écrit les chroniques, Illia Rafalskyi arrive à composer des notes captivantes fournisseuses d’ambiances émouvantes. "Solitude" est un conte incroyable, un joyau du Black Metal Atmosphérique, un hymne à la nuit, un hymne à l’esprit au milieu du silence et du néant.