NORTT est inquiétant et sinistre au possible. C’est une bande-son d’un cauchemar lugubre et pervers qui se délecte de notre malaise. Avec ces rythmes et mélodies funestes, "Endeligt" plante un décor d’horreur. Suintant la morosité d’une geôle où s’ébruitent des gémissements et des supplications, ce nouvel album semble dépeindre ces salles maudites, pleines de viscosités et d’odeurs âcres, ainsi que ces couloirs sombres baignés de remugles après le passage tourmenté et sévère des bourreaux.
Voilà dix ans que NORTT n’avait plus fait parler de lui. Quinze ans après les vrombissements et les spasmes génialissimes de "Gudsforladt" (2003) – haut méfait d’un Funeral Black Metal aux abois, et les dissonances funéraires de "Ligfaerd" (2005) ainsi que de "Galgenfrist" (2007), voilà que se dresse sous nos pieds et à notre grand effroi un charnier aux émanations à s’évanouir. "Endeligt" est le produit fusionné d’un Dark Ambient impitoyablement oppressant – à l’instar des œuvres de NORDVARGR, SVARTSINN, NORTHAUNT ou NEW RISEN THRONE – et d’un Funeral Doom asphyxiant que les âmes damnées de EVOKEN, de THERGOTHON, de SKEPTICISM ont eu loisir de nous adresser. Chaque composition est un embourbement continu et progressif dans ce charnier. La terre froide nous avale peu à peu, au milieu de l’obscurité des ténèbres nocturnes, à la seule lueur d’un fin quartier de Lune. Si les voix spectrales de "Kisteglad" paraissent nous apporter une brève bienveillance, le temps d’un ultime recueillement consenti par les hordes de la nuit, quelque chose ou quelqu’un nous agrippe subrepticement les pieds à nouveau pour nous ensevelir.
À mesure que des notes angoissantes du piano de "Fra Hæld Til Intet" s’égrènent dans le lointain, des cris surgissent, et le growl capiteux de Nortt nous envahit, nous fait faillir. Cet album, somme toute assez minimaliste dans son approche et ses arrangements, parvient à nous faire retrouver les abîmes de "Gudsforladt". La courtesse des titres aidant aussi à varier davantage les ambiances – plus que les titres de "Ligfaerd" et de "Galgenfrist" qui parfois s’accommodaient de passages Drone – à l’instar de "Gudsforladt". Néanmoins ce nouvel album s’étouffe parfois et manque de mélodies impactantes. Davantage Dark Ambient que Funeral Doom, "Endeligt" est un vrai film d’horreur. Il y a du "Silent Hill" dans certains titres tels que "Gravrøst", ou bien encore la pièce sonore éponyme. Vous êtes prévenus. C’est un voyage aux sommités de l’enfer qui vous attend. Grand bien vous fasse.
L’enregistrement un peu précaire de ce quatrième album nous laisse entendre quelques bruits blancs lors des silences, mais ils sont surtout le fruit d’une légère hétérogénéité des enregistrements. En effet, notre sieur Danois a enregistré chaque titre dans sa propre session, "Endeligt" est donc un amoncellement de pistes dont certaines d’entre elles ont été composées peu après le troisième album "Galgenfrist" (2007). Si la puanteur de ce charnier et la torpeur de cet ensevelissement schlinguent à tout va dans ce nouvel album, il constitue aussi l’acmé ténébreuse de la discographie de ce onemanband misanthrope et mystérieux. NORTT est né en 1995, et a toujours collé la scène Black Metal de près. Son Funeral Doom est bien trop infernal et lugubre pour qu’il ne convole pas tout naturellement vers l’antre des enfers. Pour ma part, étant friand de Dark Ambient, j’aurai tendance à voir en ce disque une très belle progression par rapport aux deux précédents albums. "Endeligt" est donc le fils spirituel de "Gudsforladt" mais ne le dépasse pas…
… Maintenant que les choses sont dites, se dégager de ce charnier ne va pas être chose aisée, n’est-ce pas ? Sentez-vous déjà la vermine accourir tout autour de vous ? Nul besoin de crier, c’est si vain de toute façon. Vous allez juste prendre un peu de temps pour encore réchauffer ces quelques monceaux de terre qui vous enterrent, avant qu’enfin vous lâchiez prise pour de bon.
