Dans la carrière d’un groupe, il y a des étapes. Les démos, le premier EP où l’on a encore pied, puis le passage dans le grand bain avec le premier album, les poumons remplis d’affirmation de soi. C’est alors qu’il faut compter sur sa propre nage et sa flottaison pour affronter les tempêtes d’incertitude et les critiques détestables de reviewers narcissiques qui se font la plume sur le dos de l’Art en lui-même. Pas simple non plus de se démarquer du marasme des productions sortant à tout bout de champ, très souvent rarement mauvaises ou géniales.
Et cette surabondance de sorties dévitalise aussi les coups de génie, les rendant inaperçus ou éphémères. Ainsi est notre époque, ainsi sont les nouvelles générations. Nous consommons la vie et les plaisirs. Ne boudons pas notre plaisir de voir tant de kids reprendre le flambeau et prolonger l’art et la création de la scène extrême. AZAGAROTH fait partie de cette catégorie des génies oubliés, il n’y a qu’à écouter ce premier titre "Tulesta Valettu" pour déceler tout le potentiel, toute cette superbe que nos Finlandais nous ont confectionnée et dont eux-seuls détiennent la formule. Ce Black/Pagan Metal mélodique est ajusté avec le firmament et regorge de riffs érudits, bien construits, l’apport d’un violon mélancoliforme sur le titre "Verijää" captive, et les rythmes lourds mid-tempo accroissent cette évasion sonore et peignent des tableaux sombres et tristes à la fois.
Ce premier essai est prometteur et la suite le confirmera. L’EP "Jörmungandr" détient en son sein un chef-d’œuvre de plus de quinze minutes frissonnantes au possible – un des plus beaux qu’il m’ait été donné d’entendre –, et l’album de 2023 "Kohti Unholaa" confirmera que AZAGAROTH fait partie des dignes successeurs de WINDIR, voire même selon moi les plus méritants. Si vous écoutez "Valkeat Hanget Mustan Maan", ce titre poignant vous fera poser la main sur votre cœur et le ressentir pour le respecter, tout comme l’esprit de Valfar. D’humeur lascive et triste, ce titre transporte l’âme pour l’emmener vers d’autres et faire danser cette cohorte de spectres et de présences au milieu du vide et de l’air ambiant.
Tout comme "Kahlittu", "Ikiuten Mailla" – le titre éponyme – a des accents d’un Doom Mélodique et Atmosphérique prononcé, qui me fait de temps à autres penser aux riffs délicats de YEARNING. AZAGAROTH a vraiment un potentiel énorme, et ce n’est pas le jeu vocal juste superbe de Sami Haimilahti qui pourra me faire dire le contraire. Ses vociférations sont d’un engagement sans faille au service de l’émotionnel, et son chant clair que l’on perçoit nettement sur le titre "Aalott" a cette même majestuosité. AZAGAROTH file donc tout droit dans la catégorie des groupes que j’appelle « sensoriels », c’est-à-dire faisant vivre avec bravoure nos ultimes espaces d’émotions. Attrapant notre intime, happant nos pensées pour en créer de nouvelles, AZAGAROTH m’a emprisonné avec moi-même, et j’espère de tout cœur que vous aussi vous franchirez le pas et écouterez la discographie du groupe. Vive la Finlande, ce pays, sa culture et son peuple sont absolument magiques.
