Avant de démarrer en solo ce projet bien urbain dira-t-on, Nathanael avait aiguisé ses cordes vocales et de bassiste sur un autre projet plus ou moins méconnu, THRÄNENKIND, dont vous trouverez pourtant une chronique d’un album intéressant "The Elk" sur le site. Notons aussi sa présence actuelle chez HERETOIR, mais aussi entre 2010 et 2014 chez AGRYPNIE – peut-être pas dans l’époque la plus radieuse de ce groupe, il est vrai. Vous apprécierez cependant que l’ensemble de ces groupes concourent davantage à harnacher le Black Metal – et même seulement à quelques-uns de ses piliers ou ‘vestiges’ – aux éléments Post bien plus prégnants. Il serait bien temps d’écrire un lexique sur ce nouveau style qui a singulièrement émergé depuis une bien belle décennie dans le Metal, et d’en définir les véritables contours et aspects.
Je m’y attèlerai un de ces jours, en attendant je vous propose d’aller traînasser en solitaire dans la solitude nocturne des villes, là où l’individu n’est rien d’autre qu’un simple quidam, anonyme et contraint à n’être qu’une forme parmi d’autres, inamovibles ou continuellement en mouvement. Nous avons tous fait cette expérience agréable ou pas de ressentir la joie ou la peine d’être invisible aux autres et aux éléments. Pour ma part, j’aime ce sentiment d’invisibilité et cette impression que je ne renvoie rien de particulier ou de décelable aux jugements d’autrui. Cela permet en contrepartie d’être aux premières loges pour observer tous ceux qui ne le désirent pas ou plus, qui aiment ou ont besoin de s’afficher ostensiblement dans un savoir-être et paraître répondant aux codes appréciés, ou fantasmés, pour lesquels ils aspirent et espèrent être ou ressembler. D’où les codes vestimentaires, les accoutrements etc.
Si je vous raconte tout cela, c’est que la vie urbaine est pathétique ou réjouissante pour analyser tout cela. BONJOUR TRISTESSE est bien dans son temps et dans le jus actuel des besoins générationnels. J’arrête là mon analyse sociologique à la petite semaine. Je tenais à vous partager cette chronique car j’apprécie cet album et que si tous les titres ne se valent pas, certains m’ont bercé et continuent de le faire de temps à autre. J’estime notamment le titre "Alienation" pour les émotions puissantes qu’il m’inflige. Avec son côté très DEAFHEAVEN, ce titre et plus globalement cet album souffle le désenchantement et le combat contre les symptômes de la dépression, lorsque le point de rupture ou le mur s’entête à se rapprocher de vous pour que vous implosiez intérieurement. "The Act Of Laughing In A World Once Beautiful Now Dying" pue la défection, l’abattement et les larmes qui ne coulent plus. Les vocaux déchirés et les leads éthérés concourent à ressentir cette impression. Et je noterai aussi "Wavebreaker" comme titre intéressant. Plus vindicatif et combattif, il ruisselle davantage d’agressivité sans être trop dénué d’émotions et d’expressions de fragilité.
Pour les titres précités, l’album se doit d’être écouté. Les amoureux de Post y trouveront leur compte bien plus que les aficionados de crudité. BONJOUR TRISTESSE ne lorgne pas non plus sur des ambiances éthérées ou bucoliques, c’est important de le noter, mais il est le parfait compagnon d’une errance une nuit de pluie sur des boulevards déserts assaillis par l’ennui. Dans l’actuelle discographie du groupe, il est pour moi le plus intéressant de tous les albums. Mais un album vient de sortir en cet automne 2024, "The World Without Us", et prolonge ce sentiment d’aliénation et de catastrophe annoncée.