DØDSFERD a une vertu pour moi, celle d’accepter ma gueule et ma condition humaine actuelle. Se passer dans les esgourdes un peu de ce machiavélisme sonore rageux et désespéré me fait également considérer de la plus belle sardonique des façons la bassesse innommable de ce monde, de cette urbanité crasse dans laquelle je suis prisonnier, et cela m’aide et me renforce. Je me balade dans la capitale, et je n’y vois que de l’insipide et du superflu, et DØDSFERD commente tout cela dans mon esprit. Tous ces connards et connasses arc-boutés sur leurs écrans, vivant un semblant d’existence, tout parfumés et sapés comme des outres, des sacs, croyant désespérément ressembler à l’image que le miroir feint de leur montrer. Tout dans l’allure et rien tout autour. Il est bien temps, avec ce genre de congénères, de prendre congé régulièrement de leurs foutues existences passables, et c’est le Black Metal qui m’y aidera.
Depuis quand le Black Metal se doit-il d’être gentil avec autrui, ne se fourvoie-t-il pas à s’éloigner actuellement de son essence première : celle d’écarter l’autre de son espace vital, pour l’en déloger et assouvir à sa place un règne innommable. Je soliloque, désolé. Reprenons le fil des Grecs de DØDSFERD, cela vaudra mieux. D’ailleurs, Wrath s’est bien assagi sur cet opus bien plus mélancolique qu’à l’accoutumée. Non, mais écoutez-le ! Fini les cris de gorges tranchées, les supplications irascibles, Wrath s’entête à hurler son désespoir sans s’époumoner pour autant une bonne partie de l’album. "Diseased Remnants Of A Dying World", le dixième opus (sans compter les splits, les EP et les compilations), est pourtant admirable. Ferait-il presque passer DØDSFERD pour d’adorables Post-Black Metal’s men ? Non, n’exagérons rien ! Ces saletés ne vendront jamais leur âme à dieu. Cet album représente une nouvelle mue dans le parcours musical parfois en dents de scie des Grecs.
Si les compositions gardent une belle durée, elles se meuvent dans le spleen et le Black Metal. Véritable séance de psychanalyse sonore, rien que le premier titre, "My Father, My Wrath !!!", surprend. La causticité animale, parfois foutraque et assez Punk dans son essence (bien que ce terme me paraisse bien trop galvaudé dorénavant mais faute de mieux… hein !), si caractéristique du jeu de Wrath, le grand ordonnateur de DØDSFERD, vient ici se prendre un revers de baffe. En effet, la mélancolie des riffs, ce chant clair plaintif, la guitare acoustique néofolk, et la lancinance des rythmes viennent ternir l’ambiance, l’envelopper d’une tristesse hirsute. Et c’est un peu cette teinte noirâtre, fuligineuse, qui colore l’album. Le titre éponyme, superbement labyrinthique, alterne tout du long de ces seize minutes entre passages à la beauté maladive et souffreteuse et mid-tempo vengeur. Mais DØDSFERD sait également, après avoir surpris sa fanbase avec son premier titre un poil Post-Black DSBM dans l’âme, nous servir un très bel "Loyal To The Black Oath" énergique, possédé et « intéressamment » agressif ; avec toujours ces leads à la beauté ravageuse et la voix hurlée et pleine de barbelés de Wrath.
En proposant un album foncièrement dépressif et tourmenté, les Grecs de DØDSFERD continuent à surprendre leur auditoire. Pas de mauvais goût, cet album se veut, à force d’écoutes besogneuses et dans des circonstances qui s’y prêtent, un fidèle allié et un compagnon de route pour lutter à armes égales avec ce qui vous horripile ou vous attaque. Pour toutes ces raisons, j’avoue très franchement adorer DØDSFERD et ce, malgré des albums parfois inégaux. Celui-ci en tout cas, excepté le dernier titre plus anecdotique avec son violoncelle, son tic-tac métaphorique et ses vociférations éparses, reste de très bonne facture. Les Grecs ne nous déçoivent finalement jamais. Saletés de pestiférés du monde contemporain.