Tout y est pour déceler l’expression, voire même l’essence de la mélancolie sur cet album. Cette ambiance dépressogène, romantique, est teintée et poivrée de la nostalgie. Vous savez ce sentiment poignant, qui fait trembler le corps, qui embarrasse l’existence, qui rappelle la fugacité de cette dernière, du temps révolu, des secondes qui s’égrènent comme des larmes tombant dans un puits sans fond. La nostalgie habille les corps et embrasse l’esprit comme autant de baisers émouvants et dévorants. AUTUMN NOSTALGIE est admirable pour rendre honneur à cette impression, l’honneur est sauf. Heureusement, vu le patronyme !
Ce qui saute aux yeux, c’est d’emblée ce jeu de riffing particulier. Poignant, il étale les mélodies comme autant de langueurs. Peignant des arpèges tristes, AUTUMN NOSTALGIE constelle le son de ses titres d’une profonde vapeur de soufre. Soufflant sur ses propres braises, A.G consume et étire des trémolos sibyllins afin que l’ambiance ainsi produite prenne de l’épaisseur et gagne les hauteurs en se suspendant à la rêverie. C’est un disque intimiste, nourri au Black Atmosphérique et aux composantes d’un Shoegaze rêveur et poétique. Point d’éléments bruitistes ou de blasts tempétueux, et ce malgré des screams et des vocaux déchirés, AUTUMN NOSTALGIE conte le désespoir sans pachydermie ni dissonance. La voix, à contrario des leads, est en arrière de scène, ce qui laisse croire que parfois elle pourrait nous chuchoter ou s’éteindre.
La pochette est elle aussi remarquable et colle à ce propos. Cette jeune fille hongroise, encore baignée de l’enfance, regarde droit devant, quoique son attention semble perdue et remplie d’un vide énigmatique. Son âge trahit qu’elle pourrait quitter l’enfance et sa moue triste laisse deviner l’embarras qui l’attend. Elle peine à comprendre ce qui adviendra d’elle, mais ses yeux semblent imaginer bien ce qu’elle quitte. Cette jeune fille semble être l’allégorie du passage entre l’enfance et l’adolescence. Cette pochette attendrissante nous fait remarquer que nous flétrissons inexorablement et que nous deviendrons, à notre tour, des poussières sur lesquelles s’appuiera de nouveau la vie. Ainsi sont nos pérégrinations de vie et de choix.
La nostalgie, c’est aussi cette douce amertume, incisive, âcre, aux relents mortels qu’on croirait bariolée d’un sang cinabre et qui suspend le temps, le scande et le ponctue avec sensibilité. La nostalgie nous fait plonger en nous, elle nous fait croire encore à la venue d’une dernière embellie dans notre vie au milieu du vacarme ambiant. Nous ne sommes qu’un espace entre deux points, une trajectoire reliant la naissance à la mort, et ne sommes rien d’autre que cela. Nous en déplaise, nous héritons nous aussi de la vie, d’un don imposé agissant en nous avec plus ou moins de bonne fortune. AUTUMN NOSTALGIE nous ramène à l’aune de notre enfance, aux périodes fastes d’innocence et du règne du possible, des pulsions mordantes, au berceau des illusions, là où n’est encore que calme et innocence pure.
AUTUMN NOSTALGIE règne en maître sur nos esprits tout au long de ces sept titres. En nous concoctant un "Esse Est Percipi" (= Exister, c’est être perçu) saisissant, A.G nous congédie à réfléchir sur le fait d’exister, d’en ressentir les contours et les fragilités. À travers ces paysages sonores empreints de vulnérabilité, l’auteur a à cœur de nous embarquer dans nos propres voyages, nos propres choix. Ce regard dans le rétroviseur, dans ce retour en arrière, est parfaitement audible à l’écoute de cet album qui me secoue à chaque écoute.