À la fin de l’année 2020 et après quinze années passées à soigner ses autres projets (notamment DRUDKH, BLOOD OF KINGU en tête), voilà que Roman Saenko, l’ours mal-léché ukrainien, consent à reprendre ses œuvres de basse brutalité en détruisant l’hibernation de son projet HATE FOREST, qui depuis 2005 et la sortie de "Sorrow" sommeillait quelque peu. Il est possible que la guerre du Donbass ait un peu attisé Roman à soigner sa future prestation en concentrant ses tourments et sa rage au service de sa création.
"Hour Of The Centaur" est le cinquième album de HATE FOREST et, disons-le de suite, prolonge le sans-faute et le caractère exemplaire de la discographie de l’ukrainien. Toujours pas de batteur. C’est désormais l’ami Vlad - qui est de tous les autres projets de Roman –, depuis la mort d’une cirrhose à 38 ans de Yuriy Volkov en 2009, qui va se coller à la programmation. Picoler c’est mal. Mais revenons à la musique. "Hour Of The Centaur" ne tergiverse pas et concocte quasiment quarante minutes de HATE FOREST pur jus. En cela, entendez rythmes blastés endiablés, riffs saillants à découper des paysages ou à réduire en pièces le vivant, grognements caverneux à décaper les poumons et ambiance crue et fière.
Roman Saenko n’a pas fait dans la dentelle avec ce nouvel album. La puissance nettement plus perceptible que sur l’album "Sorrow" (2005) est ici galvanisée par une production racée et suffisamment claire qui pourrait davantage se rapprocher de l’opus "Purity" (2003), ce qui est un bémol pour moi tant j’apprécie le côté raw des premiers albums. D’un autre côté, les détails sont plus prégnants mais j’ai aussi le sentiment que l’on perd en ambiance. Car HATE FOREST, c’est avant tout un projet unique tant il est belliciste et singulier dans son approche. Sans jamais d’excès ni de fioritures, HATE FOREST fait mouche par la présence seule de ces compositions. Et si, par exemple, "Anxiously They Sleep in Tumuli" m’a fait une énorme impression – tant il sait nous saisir à froid et nous viser à blanc de ses riffs guerroyeurs mais aussi mélancoliques (notamment celui lancinant qui œuvre dans la seconde partie du titre et qui pourrait tout à fait avoir sa place dans un album de DRUDKH) – d’autres riffs sur d’autres titres sont un peu moins attrayants.
La recette est conservée et fait toujours autant mal aux tripes. HATE FOREST a bien son secret pour nous exterminer notre positivisme et biaiser nos émotions. Mention spéciale à "Melanchlaeni" sacrément bien troussé et qui est parfaitement dosé : entre agressivité notoire, blasts ultra-violents (comme à l’accoutumée) et des trémolos picking qui s’incrustent dans la mémoire. Mais je pourrais en dire tout autant du titre qui clôture ce cinquième album. D’une manière générale, je trouve la seconde partie de l’album plus réussie que la première. HATE FOREST reste seigneur en ses terres sans sourciller ni bouger d’un iota. Roman Saenko n’est pas épuisé et nous offre au contraire une bien bonne mandale avec ce "Hour Of The Centaur" galopant, hypnotique, mitrailleur et sans affect, à l’instar des précédents albums.