Une fois n’est pas coutume, je vais commencer cette chronique par une petite mise en contexte de la sortie de cet album, et pour ça je vais devoir parler un peu du label sur lequel il est paru. Comme tout amateur averti n’est pas sans le savoir (et je sais que vous êtes nombreux), Kunsthall Produktionen est tenu par Wintherr, l’excellent musicien Suisse qui a, en toute modestie, défini les codes du black metal ambient à la fin des années 1990 avec son groupe Paysage d’Hiver, et a remis le couvert quelques années plus tard avec Darkspace. Le label a donc en très grande majorité servi à diffuser les sorties de Paysage d’Hiver, depuis les premières démos mythiques (osons le terme) jusqu’aux albums sortis récemment. Au final, les autres groupes produits par Kunsthall sont restés peu nombreux, le label préférant la qualité à la quantité (et ce n’est pas moi qui l’en blâmerai), et c’est pour ça que je m’y intéresse en général de très près.

C’est donc ainsi que j’ai découvert Nordgeist. Après un excellent split avec Vinterkult (dont il faudra que vous parle également un jour), l’obscur one-woman band Russe nous propose ce premier album en 2021. Et quel album ! Près d’une heure dans les solitudes glacées du Grand Nord vous attend à travers quatre longues pistes reprenant tout ce qui fait, à mes yeux, la qualité intrinsèque de ce style de musique que j’adore. Les amateurs d’un certain groupe Suisse déjà cité plus haut dans ce texte ne seront pas dépaysés (vous l’avez ?) en entendant dès l’introduction ce sample de vent hivernal bien connu, et les similarités ne s’arrêtent pas là. Disons-le clairement : si vous aimez Paysage d’Hiver, il y a toutes les chances du monde pour que vous aimiez Nordgeist. La musique est certes répétitive – c’est le genre qui veut ça – mais chaque morceau prend le temps de se développer autour d’un riff autour duquel viennent se greffer d’infinies variations et changements de rythme. La qualité sonore est là, et si j’ai un reproche à faire de ce côté-là, c’est au niveau du chant, que je trouve assez sous-mixé et donc beaucoup trop en retrait par rapport au reste des instruments.

Mais une fois que j’ai dit ça, je n’ai concrètement que des bonnes choses à dire. Dès la fin de l’introduction on part sur un rythme rapide et un riff entêtant, avec de temps en temps une respiration ou un changement de tempo toujours bien trouvé. Je me souviens lors de la première écoute m’être dit que le premier titre « Зима (Winter) » était tellement bon que ça allait certainement être le meilleur de l’album. Il n’en est rien : les trois autres sont encore mieux, à commencer par « Старый волк (The Old Wolf) », dont la mélodie simple et nostalgique, soulignée par un très discret clavier, est tout simplement une masterclass du genre. Je vous conseille également très fortement, dans la même veine, le dernier titre, un peu moins énervé mais tout aussi jouissif, avec la présence un peu plus marquée du clavier (sans toutefois que celui-ci ne prenne véritablement les devants sur le reste). Le changement de riff en milieu de chanson est, comme disent les jeunes, un banger absolu. Et on finit comme on a commencé, avec ce vent qui souffle sans répit autour du marcheur perdu dans les immensités enneigées.

Bref, je pourrai continuer comme ça pendant un moment mais au bout du compte, rien ne vaut l’écoute. C’est dommage qu’on n’ait rien eu de nouveau depuis ce Frostwinter du côté de Nordgeist, mais je ne désespère pas et reste à l’affût avec une certaine impatience. Jetez donc une oreille plus qu’attentive sur cet album, qui gagne vraiment à être découvert dans de bonnes conditions.