Accueil > Chroniques > Olhava - Ladoga
Olhava - Ladoga
Chronique par Storm - Publiée le 04/12/2025
Olhava - Ladoga
Note : 5/6
Genre : Atmospheric/Post-Black Metal
Année : 2020
Label : Autoproduction
Pays : Russie
Durée : 01:11:10
Tracklist :
1.
Ageless River I
05:42
2.
Smoldering Woodland
09:17
3.
Ageless River II
01:00
4.
Trembling Night
17:46
5.
Ageless River III
03:50
6.
The Heart Is a Lonely Hunter
14:33
7.
Ageless River IV
04:00
8.
Ladoga
12:00
9.
Ageless River V
03:02

Plus qu’un épais brouillard impossible à tailler au couteau, le troisième album des Russes de OLHAVA, "Ladoga", est un disque suprêmement organique, immersif et méditatif. En faisant mes devoirs pour chercher de la matière à rêver, j’ai appris l’anecdote tragique des chevaux du lac Ladoga situé en Russie, et dont je vous encourage à découvrir la beauté. En 1942, lors du siège de Leningrad, un incendie eut lieu une nuit d’hiver dans la forêt de Raikkola, suite à des bombardements aériens. Les chevaux de l’artillerie soviétique, pour en réchapper, se jetèrent dans le Ladoga qui gela instantanément. Le lendemain, un spectacle d’horreur saisit les cavaliers qui cherchaient à retrouver leur monture. « Le lac ressemblait à une vaste surface de marbre blanc sur laquelle auraient été déposées les têtes de centaines de chevaux. Les têtes semblaient coupées net au couperet. Seules, elles émergeaient de la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage. Dans les yeux dilatés, on voyait encore briller la terreur comme une flamme blanche. Près du rivage, un enchevêtrement de chevaux férocement cabrés émergeait de la prison de glace… »

L’explication fut en fait liée à un mécanisme physique et au principe de surfusion que je laisse Hubert Reeves décrire à propos de cet incident : « Si le refroidissement est rapide, comme en cette nuit de décembre, la glace tarde à se former. L’eau demeure liquide bien en dessous du point théorique de congélation. Cet état est instable. Mais quelques grains de sable, jetés brusquement, déclenchent un gel immédiat. Les poils fins des chevaux russes se ruant dans le lac ont suffi à précipiter l’étau de glace qui leur a servi de tombeau. Autour des grains de sable ou des crinières fines, la glace prend et se propage rapidement jusqu’à immobiliser toute la nappe liquide ». Si je vous décris cette histoire et lui laisse prendre sa place au sein de cette chronique, c’est qu’elle a possiblement infusé dans les méandres sonores de cet album d’une durée bien supérieure à l’heure.

En marquant le pas de ses velléités atmosphériques aux confins de l’Ambient et du Blackgaze, Andrey Novozhilov est un artiste émérite qui sculpte des paysages mélancoliques à la rêverie lumineuse, gracieuse et désenchantée. Poétiques et remplies d’une forme de magnificence, les compositions de "Ladoga" sont à l’image de ce qu’elles nous font ressentir et sont capables de nous faire faire : toucher du doigt, en nous, notre propre beauté ténébreuse, la mettre à découvert, la confronter au temps et aux éléments, aux vents et au silence. Il y a tant de matière pour écouter cet album et le redécouvrir sous un nouveau jour… à nouveau. Les murs sonores gorgés de réverb, les blasts hypnotiques des titres sont ici entrecoupés des interludes instrumentaux quasi-cosmiques nommés "Ageless River". Nous nageons dans une écume de nuages sans jamais nous noyer, nous sommes caressés par les rayons dardant du soleil, nous lévitons en rêve au-dessus des forêts enneigées et percevons le langage secret de cette flore.

L’album est à écouter dans son ensemble. Il vous faudra vous donner une heure devant vous et y sacrifier ce temps pour en faire l’expérience complète. "Ladoga" est l’album qui m’a fait plonger dans OLHAVA, dans ce groupe très introspectif. C’est un Black Metal du silence, de la solitude et de la brume. Un voyage planant mêlant Black Metal, Shoegaze et Ambient. Il ne tient qu’à vous désormais d’y plonger. Habillez-vous chaudement, l’univers de OLHAVA est glacé, parfois rude, mais toujours habité et dilué dans des nappes discrètes que seule la Nature possède la clé et les réponses.

5 lectures