D’abord il y a — à mon sens — cette magnifique pochette qui tourne ostensiblement notre regard à contempler l’immaculée de la voûte céleste, et puis il y a cet envoûtement qui en redescend et saisit l’âme en l’embrassant. L’artwork des albums de SEVEROTH est toujours splendide et son autrice, Julia Rafalskaya aka Unholy Darkness, n’est autre que la femme de Ilya Rafalskyi, l’unique membre de SEVEROTH. Ces deux-là ont le même œil aguerri pour puiser dans cette belle nature leurs inspirations communes. SEVEROTH n’est pas un projet à la petite semaine il est une œuvre totale qui possède à chaque album un absolu émotionnel.

Alors il est temps de plonger dans "Far Above The Skies", le titre qui ouvre l’album, et ce bain sera sensationnel… Une habitude chez SEVEROTH. "Far Above The Skies" est une pièce d’orfèvrerie, un joyau poétique à l’âme fière, patriote et désabusée. Ascensionnel, le titre se berce d’émotions qui cavalent, vous parcourent et vous feront frissonner. En combinant comme peu savent le faire avec autant de savoir et de maîtrise l’art de mélodies entêtantes incrustées de pigments beaux à tomber, "Far Above The Skies" nous accompagne dans cette épreuve poignante. Les claviers enneigés, les guitares embrumées, les leads cristallins et le chant tantôt hurlé — à raison — tantôt clair et pur, nous donnent l’impression de gagner la main de Ilya Rafalskyi. Et sur les rythmes d’une batterie mid-tempo, nos pas battent la mesure sur un chemin enneigé hors du temps et loin des hommes. La nature nous chuchote à l’oreille son savoir et son attention, et nous ferait presque rager d’être ce que nous sommes.

"Vsesvit" est le cinquième album de SEVEROTH et sans doute celui qui a bénéficié d’un plus large succès d’écoute. Il faut dire que la bonne heure de musique de Black Metal atmosphérique qu’il délivre et procure est aimantée en continu de surprises mélodiques impressionnantes et imprenables. Si "Unwritten Letters" durcit la rêverie et l’embarque sur des sentiers plus escarpés et agressifs, "Silver Dawns Of Spring" semble nous emmener au sommet d’une randonnée aux dernières lueurs du soir pour observer la voûte céleste. Cet album est un aboutissement musical. D’une tristesse infinie il se dévoile tout à la fois de manière contemplative, méditative et irrationnelle. Bien loin de tous ces groupes de Black Atmo trompeurs et malhabiles, SEVEROTH envahit, inonde, submerge l’auditeur subrepticement. L’audace de Ilya réside dans le fait de toujours trouver des leads superbes qui tissent une toile mêlant l’amertume à la mélancolie.

Œuvre sombre et charnelle, "Vsesvit", à l’instar de ces autres albums, est un envoûtement permanent et enchanteur. Il célèbre la Nature, les saisons et les paysages ukrainiens. Il célèbre aussi l’histoire maudite de ce pays et les figures de résistance qui y ont fait combat jusqu’à l’abdication de leurs propres vies. Les paroles de "Emptiness", par exemple, sont issues d’un recueil de poésie de Vasyl Stus, poète rebelle ukrainien mort au goulag de la Kolyma en 1985… L’histoire de SEVEROTH et de l’Ukraine nous survivront et je ne peux que m’incliner devant tant de beauté, de délicatesse et d’humilité.