En écoutant les premières secondes de cet album de BELORE, il est peut-être un peu trop facile de s’imaginer qu’il suinte le SUMMONING par tous les pores. Facile de vouloir embarquer ce projet français dans les contreforts de l’entité autrichienne dont il partage la vision épique et la grandiloquence orchestrale. Oui, mais non en fait, BELORE, à l’instar de l’album "The Lost Dimension" de DRUADAN FOREST par exemple, se dessaisit de ce carcan plausible pour nous embarquer tous sens aux aguets et toutes voiles dehors vers une route sinueuse et majestueuse parsemée de paysages sonores enluminés de reflets irisés.
Aleevok n’a certes pas la puissance de feu de Silenius mais il a pour lui la palette vocale étendue. Et d’ailleurs soyons clairs, c’est dans son chant clair justement qu’il est le plus intelligible et le plus voluptueux. Et cet atout sera bien plus utilisé sur le disque suivant "Eastern Tales". Son chant criard quant à lui manque de grain et d’aspérités, et pourrait paraître manquer de puissance. Du moins c’est ce que je ressens notamment sur cet album. Mais la botte secrète, la magie originale de BELORE est avant tout la symbiose syncrétique qu’il réussit à produire entre un Black Metal épique et un Metal atmosphérique passablement affûté et transpirant d’ambiances majestueuses balayées par les vents marins et terrestres. Guidant la main autant que l’âme à prendre part au voyage, les titres amoncellent des victoires mélodiques tant ils ventilent et inspirent la beauté.
Le travail des claviers est remarquable, et le gimmick de cette flûte qui chantonne aux quatre coins de l’horizon apporte une profondeur mélancolique et nostalgique ("Artefacts Of Power") assez remarquable je dois bien le dire. Certains d’entre vous frissonneront-ils en tombant dans l’escarcelle de "Tale Of A Knight" avec ses trompettes à la BAL-SAGOTH et à cette perception palpable qu’une randonnée céleste se prépare et prend forme sous nos yeux ? Verrez-vous cette épopée romantique glisser dans votre cœur lorsque le summoningien "The Fall Of Endeor" - qui célèbre sans doute les plus belles notes de Protector et Silenius – fera osciller les notes délicates de ses claviers embarqués par les rythmes si chers à nos autrichiens ?
Aurez-vous à nouveau envie comme moi de fermer les yeux et de sentir le sol se dérober sous vos pieds lorsque les cohortes chevaleresques combattront les derniers dragons occupant les cieux sinistres ? Percevrez-vous leur souffle brûlant semant la mort ? Écouterez-vous les songes de ces batailles glorieuses du passé quand Aleevok s’en fera le conte dans "A New King For Therallas" ? Accompagné du fidèle Charlie Videau (NYDVIND) à la batterie, Aleevok déroule ce qui me paraît être le plus bel album de Black Metal épique paru jusqu’à maintenant en France et sans doute au-delà de bien des frontières.
Parfaitement exécuté, le rendu hypnotique est saisissant d’émotions diverses et variées. "Artefacts" est un disque charnel à bien des égards. Son écoute fluide, originale et facile emportera aisément les plus allergiques au Black Metal. Cette force authentique ne se fourvoie cependant pas vers des notes et des mélodies sucrées de Post-Metal machin qui desserviraient sa profondeur de champ et sa totale liberté. BELORE produit un Metal épique des plus inspirés, savamment composé, complexe et aux architectures instrumentales somptueuses. La magie opère voilà tout. L’excellence de travail que compose "Artefacts" rend fier le chroniqueur attaché au drapeau que je suis.
Que dire aussi de "Glorious Journey" mes aïeux ? Qu’il conclue "Artefacts" et vous ordonnera bien des frissons… Voilà, les 48 minutes de "Artefacts" sont passées et il est déjà triste de quitter ce disque. Mais le voyage ne fait que commencer et l’épopée va continuer. "Eastern Tales" reprendra le flambeau lumineux là où la flûte enchanteresse - aux dernières secondes de "Glorious Journey" - l’avait laissé. Superbe !