J’en attendais encore beaucoup de ce nouvel album de DØDSFERD, le onzième depuis "Desecrating The Spirit Of Life", qui date de 2006. Et cet opus sonne en effet comme un rappel de celui portant le même nom, avec ses deux longs titres dérangés et fiévreux, à leur mid-tempo omnipotent, sorti en 2009. Rien à redire, ce nouveau chapitre est un blasphème à lui-même, un nouvel acte torturé qui aime à se disloquer tout du long de ces minutes lancinantes et pulsatiles de douleur. Wrath, impérial, reprend sa voix d’écorché vif et scande, de son jeu imparable, la mélancolie haineuse, dérangée et agitée, possédée par les mille diables qui s’éructent dans ses vocalises. Emboîtant le pas au dernier album, "Diseased Remnants Of A Dying World", sorti trois ans plus tôt, ce nouvel opus se nimbe de la noirceur la plus profonde et reprend du galon dans le galop du mal-être.

Sauf que Wrath et ses sbires de session (oui, il se l’est joué plutôt solo sur cet album) ne sont pas des faiblards dépressifs à la petite semaine, non ! Ils subliment le tout par leur acidité sonore, leur vague à l’âme poignardée méthodiquement, leur tristesse qu’ils piétinent à l’envi, et conchient les traîtres, les autres, ceux de l’espèce humaine, qui n’en auront jamais fini de produire de la merde et de forniquer dedans. "Suicide And The Rest Of Your Kind Will Follow Part II" est pour le coup un disque très puissant émotionnellement, sur une des marches du podium de la discographie complète du groupe (je vous épargne une liste exhaustive). Deux titres donc. L’un de dix-huit minutes, "Suicide And The Rest Of Your Kind Will Follow: The Red Lake Of Your Innocence", le plus ténébreux des deux, absolument vénéneux et sublime de bout en bout. De son introduction cinématographique de près de trois minutes, immersive, glaciale, maladive, sous la pluie battante et l’orage grondant, préfaçant la décharge épouvantable à venir, à son final crépitant le silence et l’absorbant dans le vide.

Les nombreux riffs qui accompagnent ce titre impressionnent tant leurs atmosphères hantées par la tristesse sont prégnantes. Il y a bien quelque chose qui vous rappellera l’ambiance orageuse des titres désespérés de PSYCHONAUT 4, par exemple. La guitare acoustique, les apparitions fantomatiques du violon de Sarvok, la basse rutilante montrant les crocs, les nappes de claviers spectrales et maudites jalonnent ce titre d’une justesse et d’une précision toutes deux hypnotisantes. Il est possible que ce titre vous habite, vous hante aux heures nocturnes, lorsque le désespoir remonte par tous les pores et que les sens vacillent. Preuve s’il en est qu’il touche en plein cœur les âmes habitées et contraintes, et qu’il leur redonne un souffle et la liberté. L’ultime titre, "Servants Of Ego And Filth: The Bastard Sons Of Nature", plus mélancolique alors et un poil Post aux entournures (de par son chant clair épisodique, très beau au demeurant), nous gratifie de très beaux breaks, dont un au saxophone vers la deuxième minute, qui surprend à la première écoute, mais pas tant que cela, lorsque l’on sait tout le talent de Wrath à alterner, en fonction de ses albums, la violence la plus crue et irascible avec la beauté d’un Black Metal mélancolique aux accents plus lumineux.

Autant vous dire que cet album de DØDSFERD est l’un de mes préférés, mais aussi celui qui a été le moins promu. Wrath s’en branle bien de promouvoir à tout va ses œuvres. Il préfère régler tout cela en concert. L’homme a changé avec le temps, et ses convictions bien ancrées sont aussi de plus en plus promues. L’antifascisme et l’écologie sont aussi des préoccupations plus saillantes qu’il essaie de sublimer dans sa musique. "Suicide And The Rest Of Your Kind Will Follow Part II" est un très bon disque, mirez-moi donc cette très belle pochette une dernière fois. Hail Wrath !