C’est donc en 2021 que Lykormas, l’homme-orchestre de ce projet, est venu nous inquiéter en faisant remonter, pour la toute première fois, des grandes profondeurs, de grands bouillons de gaz noirâtres. De sombres créatures abyssales regroupées en essaim jaillirent alors jusqu’à la surface pour conquérir l’entièreté des eaux. Des bancs d’oiseaux marins circonvoluaient tout proche de ces tourments, attirés par l’agitation frénétique de l’océan qui se teintait de la splendeur triste des abîmes, engouffrant les restes des dernières lueurs terrestres, terrassant les derniers rayons d’un soleil agonisant. L’Enfer sortait des dorsales océaniques et habillait la faune marine de desseins meurtriers. Les murènes autrefois si farouches et solitaires se muaient frénétiquement dans tous les étages des eaux, pullulaient de manière grégaire, ne laissant pas l’once d’un décilitre d’eau.
C’est sur un tel décor que pourrait se greffer la bande-son de ce premier album de LHAÄD, déjà très mature (Lykormas n’étant pas né de la dernière pluie et ayant déjà auparavant un bon petit paquet de groupes à son actif), et cette recette déjà bien conçue d’un Black Metal volontiers rapide et belliqueux. La voix grondante et sépulcrale de Lykormas, ajoutant de l’infernalité aux ambiances des riffs qui n’en manquaient pourtant déjà pas, fait son office pour haranguer ces créatures assoiffées de mort et galvaniser leur agressivité et leur violence. J’apprécie tout particulièrement ce timbre de voix puissant et rageur, donnant de la consistance à ce déferlement de blasts et d’atmosphères dérangées. Nous pourrions être tentés de faire un léger parallèle avec HATE FOREST ou bien ULVEGR, même si l’aridité des lignes de guitares n’est pas, avec LHAÄD, perceptible, mais notons tout de même que quelques similarités existent avec la mouvance slave.
Avant tout, c’est aussi dans le rajout de ces effets sonores "marins", de sons abyssaux, que LHAÄD complète la congruence de son concept. Apparaissant comme des fantômes, ces notes, ces cliquetis donnent en effet beaucoup de consistance et développent ces ambiances singulières propres à ce projet. Et les titres vont s’enchaîner aisément, car ils sont tous de grande qualité, bien que leur homogénéité ne permette pas forcément de beaucoup les distinguer. Néanmoins, certains vont sortir de l’écume et se fracasser dans nos neurones avec malice. C’est le cas de "Below III", qui est un tsunami de violence et de riffs tueurs, de breaks endiablés et d’apnées forcées. Nous pourrions en dire de même de "Below V", plus mélancolique également dans son déferlement de violences, mais également sublime dans le voyage que ce titre nous permet d’entreprendre. Sans doute mon préféré de l’album, avec ses nappes superbes au milieu du titre et son ambiance quasi cosmique. Je ne vous dis que cela. Et puis je n’oublie pas d’apporter une légère lumière auprès de "Below VI", avec ces notes parfois de Black industriel et cet effet de tiroir dont le titre dispose, tant il sait manier perspicacement les changements de rythmes et d’émotions.
Lykormas est un artiste qui performe avec LHAÄD un Black Metal hautement racé, émotionnel et violent. La grande richesse mélodique des riffs est le principal atout de ce projet, le grain ténébreux de notre ami belge est aussi un autre point positif, ainsi que le travail effectué sur les effets sonores. Ce concept basé sur la zone hadale et sur les épais mystères et les nombreuses inconnues qu’elle détient et conserve encore du regard des hommes prend ici une forme musicale intéressante. En plus d’habiller de vrais paysages sonores, Lykormas nous fait vivre, au plus près des murènes, l’entrée des enfers dans le monde océanique.