Burinés par le temps, les Finlandais de SKEPTICISM font partie de ces pères fondateurs du Funeral Doom Metal qui ont écrit les plus belles lettres de noblesse à ce style extrême et baignant toujours dans l’underground du fait de leur inaccessibilité notoire pour tous les impatients de la planète. Les EVOKEN, ESOTERIC ou bien encore MOURNFUL CONGREGATION, et bien sûr les chers THERGOTHON, ne se sont pas privés pourtant de conter la mort, le deuil ou le désespoir, telle une procession funèbre de mauvais augure. SKEPTICISM, puisqu’il nous faut parler de leur dernier album en date, a toujours institué dans ses longues compositions cérémoniales un orgue d’église, ou plutôt des claviers imitant cet effet, renforçant l’aspect liturgique.
Si j’analyse un peu la discographie du groupe, je remarque que ce "Companion" est plus digeste que ses prédécesseurs. En cela, je veux dire qu’il s’agit d’un album plus lumineux et moins brumeux que le cultissime "Stormcrowfleet" (1995) – acte fondateur du groupe. "Companion" est aussi labyrinthique, pourtant, que le non moins célèbre et maîtrisé "Lead And Aether", le second album paru en 1998, qui est un sommet d’élégance morbide, mais il me paraît beaucoup plus mesuré dans sa ténébrosité. Ce sixième album se veut plus gracile et moins lugubre aussi. Ainsi, par ces entrefaites, les Finlandais de SKEPTICISM, en ajoutant davantage de clarté mélodique, font progresser leur Funeral Doom vers des ambiances plus élégiaques et davantage accessibles pour le commun des mortels. Épure pourtant toujours porteuse de désespoir et d’une lourdeur mélancolique, "Companion" est aussi un album empreint de rythmes plus rapides et davantage variés.
Le chant de Matti Tilaeus n’a pas beaucoup perdu de sa gravité au cours des années. Voilà plus de trente ans que son growl profond et sépulcral conte fleurette aux tergiversations de la Mort. La production plus claire et limpide de "Companion" apporte aussi ce soupçon d’âme supplémentaire à son grain lugubre – l’un des plus beaux du Funeral. Les compositions de ce nouvel album sont aussi moins monolithiques que sur un "Alloy" ou un "Ordeal". L’orgue, si souvent utilisé auparavant, est moins présent, et ce changement est au profit de nappes de claviers plus atmosphériques et « lumineuses » ("Calla", "The Inevitable"). Les guitares, moins dosées en saturation également, nous permettent d’atténuer cette perception de pesanteur, cette irrespirabilité morbide, que les trois premiers albums aimaient tant figer dans des vertiges ambiants et des drones intranquilles ("The Swan And The Raven").
Finalement, je l’aime bien, cet album. Mes premières écoutes m’ont été laborieuses tant je restais nostalgique de "Stormcrowfleet", "Lead And Aether" et "Farmakon". Cette nouvelle direction, déjà entamée par les deux albums précédents à "Companion", est ici bien plus affirmée. De là à dire qu’il a ma préférence, je n’oserais pas l’affirmer. Néanmoins, pour entamer plus tranquillement une descente en rappel dans le spleen profond, alambiqué et sinueux des Finlandais, "Companion" est l’album de SKEPTICISM le plus accessible qui ne sacrifie pas pour autant l’essence originelle du groupe. Mention spéciale aux titres "Passage" et "The Swan And The Raven" qui restent les plus vêtus du noir funéraire et de cette grâce lugubre, voire tragique, veine solennelle et singulière de SKEPTICISM.
