TRNA, ce sont les grandes envolées qui ne faiblissent pas, c’est un mur de son inextinguible qui s’empare de l’horizon et convole vers le lointain. Et je vois que certains, dans l’assemblée de lecteurs et d’auditeurs que nous sommes, se lèvent et haranguent : encore un truc Post‑machin, n’est‑ce pas ? Ouais, et alors, tous ne font pas de la soupe ou de la merde ! Certains envoient bien fort une flopée de mélodicité qui conchie une armada d’autres groupes, d’autres styles stériles ou à la vacuité forte. Nos minots russes, eux, ont décidé d’envoyer du bois, et dans une version purement instrumentale, histoire de laisser la place vacante à notre seul désir, à nos seules promesses, à nos seuls emportements. Tous les titres sont instrumentaux, excepté un qui tire et dope sa puissance avec l’invitation d’un hôte de choix.
OLHAVA, ça vous dit quelque chose ? Eh bien deux membres du trio que compose TRNA sont OLHAVA eux‑mêmes, et je souhaite vous affirmer sans trop d’hésitation que leur Black Metal atmosphérique souffle du génie à tout bout de champ. TRNA n’a cependant pas les mêmes ambitions ; son style, moins violent, moins perforant, laisse plutôt se propager la rêverie ou les langueurs de celle‑ci. Le shoegaze, dans sa dimension ténébreuse et vampirisante, confondante de profondeur et d’amertume, entremêlé de vapeurs toxiques tenaces et enivrantes, ainsi qu’un Black Metal hypnotique intrinsèquement mélodique, sont l’ADN du groupe.
Prenons au hasard « Echoes From The Past » avec ses fulgurances harmoniques ou le plus enjoué « Shining », qui associe le chant de Ruben Freitas de GAEREA — vous savez, ce groupe masqué mystérieux qui nous a gratifiés d’un album très sérieusement inspiré en 2021, le bien‑nommé « Mirage » —, et remarquons à quel point TRNA emplit la conche de l’oreille, à quel point TRNA déborde de maîtrise technique et de riffs beaux à couper le souffle, à faire déborder le lit des fleuves tranquilles. À l’image de cette pochette, où l’eau des neiges éternelles se fraie un chemin et se rend visible une fois passé le plancher nuageux, TRNA est pur et purifie l’atmosphère de ses décibels métalliques.Et je dois bien avouer que, pour égayer quelque peu les sombres soirées hivernales, dissiper les agressivités du quotidien, TRNA fait du bien. Nos russes revigorent, nos russes poétisent le quotidien et rendent compte d’une foultitude d’émotions.
La production, superbe, dynamique et détaillée, magnifie le propos de TRNA, qui n’en manquait déjà pas. C’est une œuvre tout à la fois charnelle et maternante. Les titres sont parfois étirés : comptez un minimum de quasi sept minutes pour chacun, voire plus si affinités, mais ils ne lassent pas. La faute à une maîtrise des instruments et aux compositions formidablement inspirées de ce touche‑à‑tout qu’est Andrey Novozhilov. Lorsque j’écoute, par exemple, « Rebirth » avec sa mise en bouche très lumineuse qui, par la suite, se décline tellement autrement, avec sa saturation et l’apport atmosphérique de claviers, il ne me faut pas grand‑chose pour être totalement comblé. TRNA a le vent dans le dos et, pas besoin de hisser la grande voile, l’embarcation convole d’elle‑même.