Le Black Metal a vraiment tellement de contours et de directions qu’il est un de ces styles extrêmes les plus créatifs et prodigues qu’il soit. À son contact quotidien, de nombreuses illuminations germent dans votre esprit avec cette impression permanente que tout reste encore à découvrir. Voyez ACHERONTAS avec son Black Metal Impérial (je n’oublie pas le copyright Mefisto) et racé à souhait, il diffère totalement d’un groupe Post Black, comprenez-vous, il pourrait même en être une antithèse probable. Mettez cet album des Grecs de ACHERONTAS face à du Pagan, du Black Sympho, Atmo, Raw, ou épique : vous y verrez de prime abord que de faibles similarités et vous aurez certainement raison.
Sur ce déjà neuvième album, le quartette grec emmené par le sulfureux V.P. Sorcerer (un peu le frère d’armes de Naas Alcameth (AKHLYS, AORATOS, NIGHTBRINGER), enfin vous saisissez le genre, quoi !), nous emmène au contact d’Hécate, la sombre déesse de la lune noire ou de la dite "nouvelle lune". Représentée sur cette pochette par cette toile du peintre tchèque Maximilian Pirner, réalisée au tout début du XXème siècle, Hécate est considérée également comme cette divinité reliant à la fois le ciel, la terre, la mer et le monde souterrain. Nous la voyons ici sous plusieurs visages, empoignant des serpents, munie d’une torche enflammée et d’une épée, elle accompagne les âmes vers le royaume des morts. "Malocchio – The Seven Tongues Of Daemon" pourrait être une évidente allégorie de cette duplicité ténébreuse et maudite, et le Black Metal fomenté par ACHERONTAS sur cet album sert avec honneur les desseins maudits des enfers.
Les titres complexes, labyrinthiques, suintant à brûle-pourpoint les dissonances habiles, lascivement hypnotiques et maléfiques, sont formés par un réseau de riffs étouffants et des leads proéminents toujours à l'affût pour vous fondre dessus avec leurs mélodies acérées. Les prédications ou déclamations du prêtre noir V.P. Sorcerer, avec ce chant parlé envoûtant, font aussi très bien leur office sous les coups de butoir dévastateurs d’une batterie hyper carrée et légèrement mixée en retrait. Cet album nous offre une multitude de détails où s’imbriquent des effets plus mystiques les uns que les autres. Chacun de ses titres s’empare de notre être pour le meurtrir et nous adresse ce mauvais œil, ce "malocchio", par les volontés maléfiques de sept créatures. Mirez donc la tracklist, elle est si parlante. En écoutant minutieusement ce neuvième album des Grecs, je m’arrête davantage sur les titres suivants : "Lucifer – Breath Of Fire", "Leviathan - The Fervent Scales In Reverence", "Hecate – Queen Of The Crossroads", et "Chorozon – Webs Of Alienation". Leur puissance émotionnelle dépasse d’un iota celle des autres, même si aucun d’entre eux ne comporte de temps faibles ou de longueurs dérangeantes.
L’album est riche, c’est un disque terriblement dense, qui laisse peu de répit et paraît ordonner les plus mauvais plans. Une nouvelle fois, ACHERONTAS démontre, avec une technique de composition irréprochable et réellement fascinante, qu’il s’agit d’un groupe de Black Metal qui se hisse dans le haut du panier. Comment ne pas être convaincu par la force démoniaque et le venin terrible de ce neuvième album qui, à nouveau encore, au triple galop, nous terrasse de sa course effrénée à conter les contours des abîmes et à sculpter dans la roche les lettres énigmatiques du destin. Forçant le plus grand des respects, "Malocchio – The Seven Tongues Of Daemon" rejoint donc le panthéon des œuvres impériales du Black Metal orthodoxe dans sa variante la plus luciférienne. Entre lumière et éternelle sombreur, terrassement et ascension, diablerie et expiation, ACHERONTAS défie l’homme et le montre du doigt afin que l’univers de la nuit le dévore.