Quand on pense à toute la musique qui sort chaque jour, cela en devient quasi écœurant, y compris dans le Metal extrême. Comment alors déceler au milieu de cette orgie les coups de génie et les chefs-d’œuvre ? Comment aussi sortir de l’ombre des groupes qui le méritent alors que des hypes se construisent et s’amoncellent pour d’autres qui, selon moi, ne valent pas grand-chose ? Je pense notamment à ces groupes encensés récemment : les BLACKBRAID, ZEAL AND ARDOR, et même MGLA. Tous ces couillons, je le pressens, n’ont pour la plupart aucun background décent ni empirisme et portent aux nues de la belle médiocrité musicale sous couvert d’une soi-disant originalité ou pire par considérations sociétales contemporaines. Le wokisme a attaqué le Black Metal et y fera peut-être à l’avenir de beaux autodafés, ce n’est nullement à craindre puisque c’est déjà en marche.

Pour revenir au propos initial, fort heureusement, dans cette foule de suiveurs, il existe une autre foule de passionnés mue par une soif inextinguible de découverte. Ces fidèles orpailleurs ont le mérite d’avoir su percevoir, au travers de leurs nombreuses années d’expérience, ce qui fera progresser la scène et continuera à la doter des plus beaux atours et galons qu’ils soient. Ces chercheurs de trésors, ce sont vous, chers lecteurs aguerris et curieux, aux oreilles fines et acérées. Portés par votre riche quête d’accomplir votre parcours musical, vous partez à la conquête de nouvelles étoiles musicales en prenant soin de soigner ce qui vous constitue, ce qui fait charnière et socle en vous ! Et voilà que DJEVEL rentre en scène.

Depuis 2009, ce combo norvégien téméraire n’a jamais eu froid aux yeux pour nous sortir des albums sourdement puissants et véraces. Authentique seigneur d’un Black Metal mélodique et glacial, DJEVEL n’est pas un groupe à la petite scène ou d’un de ceux qui s’entichent de postures ou de faux-self, non ! Écouter DJEVEL, c’est partir en religion… Ciekals, qui est à l’origine de la naissance de DJEVEL, écrit de la musique extrême depuis 1993 et a côtoyé tout le gratin de la scène norvégienne, lorsque ULVER, SATYRICON, GORGOROTH, EMPEROR apposaient les empreintes fortes de l’identité d’un Black Metal cru et volontiers atmosphérique, symphonique ou avant-gardiste. Son travail au sein de LJÅ était déjà fort honorable mais en construisant DJEVEL, son univers sonore a pris une nouvelle tournure : celle de l’excellence. "Naa Skrider Natten Sort" (= quand la nuit devient noire) est le huitième album de DJEVEL. Si je commence par le dernier album, c’est aussi pour que vous puissiez remonter le temps discographique de ce trio norvégien avec moi. Oui, il s’agit d’un trio, nommons bien la présence de Faust à la batterie (oui, le fameux Faust d’EMPEROR), mais aussi de Kvitrim (VERMOD, MARE) à la basse et au chant screamé. Voilà pour les présentations...

Passons aux choses sérieuses et distrayons-nous à l’écoute de cet opus magistral. DJEVEL nous gratifie avec "Naa Skrider Natten Sort" du plus bel Black Metal qu’il soit. Féroce, intelligible, palpitant et courroucé, DJEVEL passionne son auditoire dès le début avec une entrée en matière engagée à jouer des coudes avec ce que l’on ose toujours espérer dès une première écoute : riffing superbe et acéré, atmosphères pesantes, voix sépulcrales et agressives, rythmes variés, furieux et/ou hypnotiques. Et cette définition que je vous fais du premier titre de treize minutes "Naar Taaken Tetner" se répétera six nouvelles fois, portant le festin à un peu plus d’une heure très exactement, promenade nocturne dans les bois incluse. À l’image de ce bel artwork, DJEVEL porte toutes les ombres, tous les spectres à se dévoiler devant vous. Magistral est le mot qui pourrait le mieux définir cet album et je vous prie de me croire, les albums du passé, notamment "Blant Svarte Graner", "Tanker Som Rir Natten", ou bien encore "Norske Ritualer", sont des pièces maîtresses d’un Black Metal norvégien porté à son apogée.

Que pourrais-je donc encore vous dire de cet album qui occupe cette chronique ? Serait-il nécessaire que je me fourvoie encore dans des superlatifs saugrenus ? Vous connaissez d’évidence la réponse. Peut-être devrais-je insister sur la stricte nécessité d’écouter le titre éponyme qui est sans doute l’acmé de "Naa Skrider Natten Sort". Peut-être devrais-je insister sur la grande variété rythmique, sur les superbes atmosphères, les ambiances vocales saisissantes, les arrangements et les effets sonores qui s’égrènent parfois magiquement au sein de certains titres. DJEVEL vous distraira, vous fera fermer les yeux, vous fera consentir à vivre son univers comme une pluie étoilée, comme une randonnée émotionnelle nocturne et introspective, comme l’observation de paysages sonores majestueux et émouvants. Alors, puisqu’il faut bien terminer cette chronique, infliger à DJEVEL la note quasi maximale n’est pas une faveur mais bien un devoir. Puisse-t-elle permettre au plus grand nombre d’entamer l’épopée DJEVEL !