Lorsque le label Debemur Morti a annoncé la sortie de "We Are The Black Nights", compilant les deux démos légendaires et introuvables de GODKILLER "Ad Majorem Satanae Gloriam" et "The Warlord", une joie débordante m’a irisé la pensée. Les réentendre fut un voyage express dans les heures fastes du milieu des années 90. Les démos originelles, peu distribuées, l’ont été surtout par l’interstice de Duke Satanël lors du temps béni des tape trading furieux de ces années-là. GODKILLER jouit encore d’un statut culte grâce à l’imparable EP de Black Metal médiéval sorti en 1996 : "The Rebirth Of The Middle Ages" dont vous pouvez retrouver la chronique en ces lieux.
Dès la première démo "Ad Majorem Satanae Gloriam" – qui compose la première partie de cette compilation jusqu’au titre "Those From The Race Of Cain" – Duke Satanël propose et colore son Death/Black Metal de sonorités médiévales prégnantes. Biberonné par le Gothique Batcave et le Post-punk (VIRGIN PRUNES, DEAD CAN DANCE, BAUHAUS) mais aussi certains albums de Jordi SALL issus de la bibliothèque musicale de ses parents, le Duke compose des titres excellents à l’identité déjà marquée. Et bien que certains passages restent approximatifs, un titre tel que "Waiting For Lilith" annonce avec brio la suite moyenâgeuse de la future démo "The Warlord". D’autres tels que "Those From The Race Of Cain" tergiversent quelque peu entre un Raw Black Metal et des éléments Death et Thrash influencés par les écoutes de SLAYER. Mais accordons-nous le droit de penser que cette démo, ici remastérisée par Debemur Morti, nous permet de percevoir des riffs racés et d’admirer le talent de composition du Duke mais surtout le soin précieux accordé aux ambiances.
L’enluminure représentant Yvain le chevalier au lion ornant la pochette de la démo originelle "The Warlord" donne le ton et dissipe tout malentendu : GODKILLER est parti à la conquête de la scène Black Metal, et son originalité forte va très vite braquer quelques projecteurs sur sa destinée. Dès l’introduction "Feasting The Coming Victory", une ballade nous emboîte le pas et nous dirige à continuer cette progression dans cet autre temps. Il est vrai que le titre "Path To The Unholy Frozen Empire" figurera en bonne place dans le chapitrage de la saga de "The Rebirth Of The Middle Ages", mais si l’on s’attarde un peu sur celui-ci, l’ensemble de la recette qui fera le succès de 1996 est ici réuni : strates de claviers Dungeon-Synth aux sonorités médiévales en cascade, grésil de guitares abrasives, chant écorché bien identifiable, riffing du tonnerre, mid-tempo ou blast ravageur. Et cette formule atteindra son apogée avec "Bren Det Hvite Riket", une track furieuse qui fait tourner la tête et est l’exact équilibre entre un Black Metal furieux et des ambiances tampons originales toujours orientées autour de spectres moyenâgeux ou païens. Déployé dans la langue norvégienne, ce titre est un hommage rendu aux influences nordiques du Duke (en premier lieu BATHORY), et l’on se surprend à y percevoir davantage le froid, le côté épique et guerrier, sous les coups de butoir des vociférations de Duke Satanël. Malgré une longueur de plus de dix minutes, "Bren Det Hvite Riket" est une superbe épopée dont je ne peux que vous conseiller fortement l’écoute.
Après le fameux EP dont je vous parle depuis tout à l’heure, GODKILLER, pour éviter de se circonscrire à répéter une énième fois la recette, continuera à faire cheminer son parcours musical en se détachant au fur et à mesure du Black Metal et en y insérant de plus en plus des sonorités industrielles, fruits des amours du Duke pour WUMPSCUT, DIE KRUPPS, SKINNY PUPPY ou bien encore SUICIDE COMMANDO. Ainsi un premier album naîtra en 1998, "The End Of The World", suivi d’un second "Deliverance" bien plus marqué industriel que metal. Peut-être bien que l’avenir me faudra compléter cette discographie qui vaut sacrément le détour. En attendant ces écrits, je me repasse en boucle cette compilation avec plaisir et je remercie bien fort Debemur Morti.