L’aridité est un maître mot sur cet album, non pas qu’il présente un Black Metal rébarbatif et sans intérêt, mais ARIDUS déploie une musique ténébreuse, assoiffée, qui assèche et sonne comme le pendant désertique du Cascadian Black Metal d’un groupe comme WOLVES IN THE THRONE ROOM. D’ailleurs, le clin d’œil à cet éminent groupe – qui sort un EP à la fin du mois de septembre, soit dit en passant –, n’est pas qu’un pur hasard. L’artwork du livret m’a de suite fait penser à la cover du "Two Hunters" de WITTR, même goût prononcé pour ce noir profond et épineux au possible. Et, du reste, Galen Baudhuin, le maître à bord, est un musicien live pour le groupe d’Olympia.
De l’aveu même de l’auteur, ARIDUS fait du "High Desert Black Metal". Serait-ce un contrepied au Black Metal sylvestre et/ou atmosphérique ? Pas vraiment, mais principe de réalité oblige – le sieur vivant à Santa Fe, dans l’État du Nouveau-Mexique, à l’orée du désert et niché au sein des plateaux montagneux des Rocheuses –, difficile pour lui de s’inspirer de fjords gelés ou des forêts poudrées de neige. Cependant, il n’en résulte pas forcément un Black Metal de Far West où se percevrait une atmosphère traversée par le sifflement du vent, le hurlement des coyotes ou le bruissement du vol des vautours guettant les futures charognes ou délaissant dédaigneusement leur dernier repas, mais bien tout autre chose.
ARIDUS déploie un Black Metal axé mid-tempo, d’apparence assez occulte et haineux. Le côté très sombre de l’album pourrait même davantage se lover dans la fange d’une crudité d’ambiance. Les vocaux sont remplis d’un fiel et distillent leur venin. Le malin semble conduire la diction de Galen Baudhuin, qui ne s’époumonne pas mais ajuste son chant pour le cracher et infecter son auditoire. ARIDUS arrive, sur des titres tels que l’excellent "Bearer Of Silence", à sortir de ses tripes l’expression maladive d’une cruauté prédatrice. L’aridité, si bien nommée, fait son effet et intoxique. L’écoute n’est point éprouvante, mais l’ambiance de "Serpent Moon" est vicieuse et malsaine. La batterie, parfois tribale, comme sur le titre éponyme, rajoute ainsi davantage cet effet épouvantable, que les riffs parfois dissonants potentialisent. Je retrouve pas mal de WITTR dans cet album, à la différence notable cependant que ARIDUS semble encercler l’auditeur en en faisant sa proie rapidement, là où WITTR le laisse fuir quelque peu avant de finalement le rattraper pour en faire son affaire.
Signé chez l’excellente boutique Eisenwald (UADA, FLUISTERAARS, AGALLOCH, GRIFT, FAGUS…), ARIDUS jouit d’une bonne production, ni trop claire ni trop sombre. La scène sonore, cependant, manque quelque peu de profondeur, mais sert l’album en le rendant plus frontal et direct. C’est un premier essai que je trouve très prometteur. Je pourrais m’attarder en vous indiquant son quelque peu manque d’originalité, mais je n’y crois pas plus que cela. Je remarque que ARIDUS arrive à déployer un album un peu inégal : les titres "Spectre Of Despair" et "Reptilian Sleep" sont plutôt quelconques, là où "Aridus", "Serpent Moon" et "Bearer Of Silence" sont passionnants de détails, de changements de rythme et de riffs fluides et inspirés. À suivre donc.