Avec un nom pareil, je m’étais déjà conditionné à entendre du Raw Black Metal bien froid. La pochette éconduisait un peu mon pressentiment, mais sachant le groupe finnois, je repris à nouveau un bel espoir d’y trouver, ni plus ni moins, un album formidablement vif et violent. Pour que vous soyez dans la confidence, j’ose vous avouer que la scène finlandaise est celle qui aiguise le plus ma curiosité et mon intérêt. Et que dire d’elle ? Somme toute, qu’elle est incroyablement prolifique et parfaitement discernable. Elle pourrait se définir comme un mix de la scène norvégienne, froide, souvent originale, et de celles des scènes slaves, furieuses, vitupérantes et fières. Mon œil pétille quand il entrevoit l’alphabet finnois, alors quand l’album de AZGAROTH s’est présenté à moi, j’ai chaussé mon casque Stax pour décortiquer l’album dans les moindres détails.
À l’écoute de "Kohti Unholaa", AZGAROTH nous livre une musique sortie des fortifications d’Asgard, aux imprégnations folks bien senties et à la verve transpirant d’hydromel. Mais synthétiser ainsi l’album ne serait qu’un raccourci scabreux et facile, car d’emblée le groupe me redonne un large sourire, tant il dispense une musique énergique, à la manière des meilleurs albums de WINDIR que sont "Arntor", ou "1184". La puissance est là et déborde, les guitares, quoiqu’un peu en retrait, sont assez enchanteresses, et les trémolos qu’elles sortent sont souvent enflammés. "Muinaisten Laulu" est un petit shot d’énergie, un concentré rutilant d’audace où s’entremêlent un chant clair et un chant braillard, tous deux du plus bel effet. Le chant clair, notamment, donne pas mal d’aération aux titres. Souvent adopté pour faire fonction de refrain, il affirme l’identité de chaque titre. Je pense notamment au détonnant "Aamunkoitosta Ikuisuuteen", qui fait dodeliner la tête, mais surtout au superbe "Soihdut", track splendide, flagship de l’album, beauté guerrière mâtinée de guitares lancinantes et de claviers atmosphériques. Mais si je pars dans les descriptions, les chœurs grandioses de "Routaiseen Maahan" qui accompagnent cette composition ne peuvent être oubliés.
AZGAROTH n’est pas l’un des fils de l’ombre, la musique distillée est rarement poisseuse. Les mélodies sont solides et n’ont pas des accents mineurs prononcés. Elles sonnent avec une petite ritournelle un brin positive, permettant un tuilage intéressant avec le chant entêtant. Je vous l’indiquais plus haut dans la chronique, les mélodies font balancer la tête doucement. Leurs regains de puissance installent une accélération de ce balancement, stimulant l’esprit qui cherche tant bien que mal à se réguler. Je ne peux terminer cette chronique sans vous parler de ce dernier morceau : "Kohti Unholaa". C’est un titre furieux, où apparaissent des leads féminins accompagnant le chant clair de Sami Haimilahti, et le résultat est très convaincant. La beauté est de guise et enveloppe le titre de son voile délicat. Une très belle réussite qui conclut l’album de la meilleure des façons. AZGAROTH prouve ainsi qu’il est en capacité de trouver une place sur cette belle scène Black/Folk Metal, où flottent moult drakkars.
Je méconnaissais l’envergure de ce groupe, mais je ne peux que m’incliner devant sa propension à créer des harmonies soignées, entêtantes et intelligemment construites. Le groupe affiche à son compteur un certain nombre d’arguments, notamment l’efficacité des riffs, l’intelligence des compositions, le déploiement d’une palette d’émotions variées. Ces atouts lui permettront, je l’espère, de ne pas trébucher trop rapidement dans les limbes des oubliés à tort.
La Finlande n’aura jamais fini de m’étonner, elle égrène sans cesse des groupes à l’identité forte et marquée. Terre scandinave somptueuse, la Finlande subsiste derrière l’ombre de ses deux autres sœurs aînées, la Suède et la Norvège. La scène finlandaise est davantage discrète au sens figuré du terme et semble davantage méconnue du public. Elle se tapit très souvent dans l’obscurité, pour puissamment sortir de l’ombre, surgir et surprendre. AZGAROTH n’est pas en reste sur ce second album et cherche à gagner la lumière. Tout animal à sang froid a besoin de sa dose solaire pour exister. Gageons que AZGAROTH flirtera au milieu des rayons lumineux, trouvant une petite place près de l’astre qui sacre le vivant et barre la route aux ténèbres assoiffées.