Fall Of Efrafa… J’avoue que c’est la curiosité du patronyme qui m’a poussé à en savoir plus. Puis je vis l’étiquette « hardcore », en plus il paraît que ça parle de lapins. Aïe… J’allais passer mon chemin lorsque je vis « téléchargement de l’album gratuit ». Chose que je fis, pour finalement oublier le fichier dans les profondeurs peu fréquentées de mon disque dur.
Puis je retombe dessus. Je jette enfin une oreille distraite sur le produit.
Et là, c’est l’implication sonore totale dès la première minute! Hardcore certes, mais ô combien au dessus du lot! Un terme me vient immédiatement à l’esprit, un terme que je n’aurais jamais cru compatible avec ce genre: épique!
Encore tout retourné par ce gros coup de cœur, je me suis plongé dans d’actives recherches pour en savoir un peu plus.
Le groupe voit le jour en 2005 dans une des cités balnéaires les plus célèbres d’Angleterre: Brighton, qui a déjà enfanté entre autres The Kooks, The Macchabees, Nick Cave et…Fatboy Slim. Ce groupe originellement axé crust, n’est pas un groupe comme les autres. En effet il choisit d’entrée une existence vouée à la mort; l’entité ne voit le jour que pour donner vie à une adaptation musicale d’une œuvre littéraire. Une fois cette tâche accomplie, FOE n’aura plus de raison d’exister. Il s’agit de Les Garennes de Watership Down, paru en 1972, de l’écrivain britannique Richard Adams. Le livre (de loin le plus grand succès de l’auteur, bien qu’il fut refusé par 13 éditeurs avant d’être imprimé, reçu par la suite de nombreux prix prestigieux), narre l’histoire d’une communauté de lapins contraints de fuir la destruction de leur garenne. Le patronyme même du groupe est directement lié à l’œuvre, Efrafa étant le nom d’une coalition policière répressive dirigée par le général Woundwort.
Vous l’aurez compris, il s’agit d’un conte (qu’ Adams racontait à ses enfants lors des longues ballades en campagne) engagé où se confondent des thèmes tels que l’oppression, les régimes totalitaires, les tentations liés au pouvoir, la place des minorités et les exodes, etc., sur un fond de trame de conte écolo.
Concrètement, nos 5 anglais sortent en juin 2006 Owsla, premier volet du triptyque The Warren Snares, suivi par Elil en 2007, ainsi qu’un split avec Down to Agony. En 2009, sous l’excellent label Denovali, Inlé est précédé d’une tournée d’adieu, clôt la trilogie et voit la dissolution du groupe.
Inlé commence avec Simulacrum, une des plus belles intros entendues. Progressive, classe, chargée d’émotion, l‘esprit s’envole déjà, et on regrette ses 6 petites minutes si vite écoulées. Ultra prometteuse pour la suite!
Et justement, le plus beau c’est que ce qui suit ne faiblit pas d’un iota. Fall Of Efrafa s’est trouvé un son bien à lui, par une batterie simple mais originale et puissante, mais surtout une section corde hors pair, le vrai son de gratte qui prend aux tripes, qui vous écrase vers le bas en multipliant l’apesanteur par mille, et l’instant d’après, vous prend au cœur , libère les sens, vous fait sentir aussi léger qu’une pensée nostalgique.
Le combo opte pour des rythmiques plutôt lentes et lourdes, donnant vraiment parfois l’impression d’un labour implacable, mais ne s’enferme jamais, globalement le schéma est progressif, pour des chansons jamais en dessous de 10 minutes.
Le disque se clôt sur The Warren Of Snares, qui se déroule comme une chanson « normale », et se meurt vers 10 minutes environ. Mais ce n’est pas tout. Une petite mélodie se fait entendre, puis une batterie tout légère . Puis tout devient de plus en plus vivant, d’autres guitares aériennes s’ajoutent, le rythme se plombe par des cymbales et des tomes, et sans s’en rendre compte, on est complètement hypnotisé, ailleurs, sans doute avec nos amis léporidés, tout proche des collines de Watership Down dans le Hampshire. Et ce n’est pas tout. Sur un cri de victoire mitigée, la chanson sur ses dernières minutes devient un rouleau compresseur de crust/sludge/hardcore, qui ne peut laisser personne indifférent.
La puissance, intelligemment.
Mais comme on dit, sans amour, l’art n’est que la technique.
Et je crois que c’est ici que la formation anglaises fait la différence; leur musique est un brasier d’émotions, et pas forcément négatives. Une musique chargée, qui palpite de mille vies. Unique. Splendide. Ambitieux.
Mais comme j’ai le devoir d’objectivité et que tout n’est pas parfait dans la vraie vie, je vais émettre quelques réserves…on pourra reprocher quelques ressemblances entre les chansons, je pense notamment à Republic Of Heaven; ensuite, il y a la voix d’Alex, elle fait son boulot, c’est tout. C’est une voix typiquement hardcore, c’est-à-dire mono-émotionnelle. C’est le style qui veut ça, mais personnellement, je n’accroche pas plus que ça.
Voici le lien pour télécharger gratuitement et légalement l’album: http://denovali.com/fallofefrafa/