Nile a décidé de sortir de son sarcophage pour nous remémorer les dix plaies d’Egypte, au son de dix hymnes pharaoniques et incantatoires. En 2009, le groupe apparaît sous un nouveau jour. Sur « Those Whom The Gods Detest » sixième album du nom, la musique a pris une tournure inespérée. En effet, là où les deux albums précédents oubliaient quelques peu les ambiances égyptiennes, qui ont fait la gloire du combo, ce nouvel opus revient chasser sur les terres de « In Their Darkened Shrine… », avec un très bon équilibre au niveau de la musicalité et des atmosphères. Ne reculant devant rien, Nile a mis tout son savoir faire dans cette nouvelle relique. La musique du combo vient de passer un nouveau palier dans la rapidité, la lourdeur et la brutalité. De manière générale, les thèmes de l’album sont plus heavy, cela donne un côté plus « catchy » à la musique. « Those Whom The Gods Detest » est l’album le plus aboutie et inspiré du combo depuis des lustres. Nile, possédé par Apophis, a mis la barre plus haut, à tous les niveaux et ça s’entend clairement.
« Those Whom The Gods Detest » c’est près d’une heure de musique épique, brutale, lourde rapide, lente et intense, soutenue par une technique et une exécution impressionnantes mais surtout au service de la musicalité plus que de la démonstration (contrairement aux deux opus précédents). D’ailleurs, le groupe a-t-il encore quelque chose à démontrer techniquement parlant ? Comme je disais, l’aura égyptienne est de nouveau au premier plan. Cet opus regorge de nombreuses oasis ambiantes, réalisées à l’aide d’instruments traditionnels orientaux et de samples, rappelant le projet ethnique de Karl Sanders. On retrouve même, ici et là, des trames de chant arabe égyptien dialectal. Tel le khamsin, Nile balaye, non pas le Sahara mais nos conduits auditifs avec des pistes extrêmement variées. Sur ce nouveau chapitre la musique est très direct et tourbillonne au grès des vents pestilentiels du désert. Vous n’aurez droit à aucun répit, excepté les quelques interludes et introductions salutaires. Sur « Those Whom The Gods Detest » les changements de rythmes sont fréquents et presque aucune piste n’y échappe. Nile arrive à passer singulièrement de parties rapides et destructrices, à des passages écrasants et menaçants d’une lourdeur pachydermique. Cet album d’une intensité et d’une brutalité peu communes, vous laissera impuissant sur les starting-blocks. Nile a voulu taper fort, et ça fait VRAIMENT TRES MAL. Avec « Those Whom The Gods Detest » tout sentiment de faiblesse ou de médiocrité est hors de propos.
Pour la production, Nile s’est enfermé, en partie, dans les célèbres studios Mana, du non moins célèbre Erik Rutan (Hate Eternal). Heureusement, seules les parties de batterie ont été enregistrées dans ce studio. Les autres prises instrumentales ont été faites au Serpent Headed Studio avec Neil Kernon. Le mixage a lui été réalisé au Rax Trax Recording à Chicago « Those Whom The Gods Detest » n'est pas surproduit, il est doté d’une puissance et d’une clarté rarement égalées. Ici, on ne tombe pas dans la production stérile et digital, Nile a cherché le parfait compromis entre énergies organiques et sonorités modernes. Chaque instrument a été soigneusement produit. Les guitares rythmiques, sombres, sont plus épaisses et lourdes que du pétrole. Les leads guitares, bien heavy, dessinent d’excellentes mélodies orientales et épiques. La basse omniprésente est très profonde. George Kollias est une pieuvre et il le démontre, ses parties de batterie sont denses et variées, aussi bien à haute vitesse que dans la lenteur la plus extrême. Le trigger est utilisé, on le sent surtout sur la double grosse caisse. Pour finir le chant est un poil moins guttural que par le passé mais il demeure puissant et bien intégré.
L’opus est une véritable tempête de sable, qui annihile tout sur son passage. « Kafir! » est une longue piste d’ouverture, démarrant sur des blast beat sauvages accompagnés de roulements à n’en plus finir, pourtant, ici, les variations sont nombreuses et des rythmes lents monolithiques prennent aisément le relais, avec un passage de chant arabe qui pourra rebuter dans un premier temps. « Hittite Dung Incantation » est un autre hymne furieux et destructeur, ça blast encore et encore sur des tapis de double grosse caisse continues. Les nombreux breaks viennent subtilement aérer la piste. « Utterances of the Crawling Dead » est le premier mid tempo de l’opus (aucun blast à l’horizon), uniquement construit de riffs de « mammouth » ultra compacts et puissants. A noter les ralentissements, qui sont tout simplement hallucinants. « Those Whom the Gods Detest » démarre sur une introduction de baglama saz, rapidement enterrée par des riffs de guitare maudits. Ce titre combine passages brutaux frénétiques et séquences lentes doublées par des choeurs incantatoires. « 4th Arra of Dagon » est l’une de mes pistes favorite et la plus longue de l’opus (près de 9 minutes). Sur ce titre tout est définie par la lourdeur, la lenteur, des riffs ultra malsains combinés à des claviers fantomatiques et de la guitares sèche. Les 3 dernières minutes, quasi militaristes, sont dotées de choeurs gutturaux pharaoniques d’une puissance phénoménale. « Permitting the Noble Dead to Descend to the Underworld » : Blast, tapis de double, guitares tronçonneuses, blast, leads accérées, tapis de double, roulements, guitares tronçonneuses, blast. Pour calmer les esprits « Yezd Desert Ghul Ritual in the Abandoned Towers of Silence » est un excellent interlude ethnique/ambiant, très organique, on y retrouve des percussions diverses, du chant arabe, du baglama saz, on s’y croirait ! Les réjouissances sont pourtant de courte durée, puisque « Kem Khefa Kheshef », le titre le plus rapide et virulent de l’album déferle et nous achève à grand renfort de rythmes cataclysmiques et de guitares vengeresses. On retiendra le très bon solo interminable et complètement déstructuré, dans la pure tradition Necrophagist. « The Eye of Ra » continue sur la lancée de la piste précédente, avec d’excellentes leads épiques en relief. Le déluge prend fin sur « Iskander D'Hul Karnon » qui débute sur des tempo élevés mais qui retombe vite, pour laisser place à des parties plus lentes et atmosphériques.
Après deux albums qui ne m’avaient pas franchement convaincu, Nile revient avec un opus qui dépasse mes espérances. Le groupe est en parfaite adéquation avec le Death Metal et sa musique le prouve. « Those Whom the Gods Detest » est un album de Death Metal brutal, technique et épique sans la moindre faille. Tout sur ce nouvel opus est parfaitement équilibré. Les compositions complexes, sont très inspirées et exécutées avec honnêteté et sincérité. Grâce à cet opus, Nile remonte à nouveau sur le trône du Death Metal, et nul doute qu’il risque d’y rester un bon moment, car il sera difficile d’égaler cette épitaphe maudite.