Parfois, on le sait tout de suite qu’il s’agira d’un grand album. Une impression, une première piste d’exception, un son, surtout le son. 17 ans après ma première écoute de « Fördärv », je m’en souviens encore. Une introduction au synthétiseur aussi intimiste que mélancolique et un premier riff en mid-tempo d’anthologie où ambiance morne et rythme dynamique se marient étrangement dans un couloir noir sans fin. Et ce couloir, je m’y perds encore par moments, longtemps après.
Fondé en 2002, Bergraven sort son premier album deux ans plus tard après une seule démo à la portée plus que confidentielle et ce premier effort jette pour l’époque un pavé dans la marre de ce black metal par encore dépressif mais déjà largement décharné. « Fördärv » s’inscrit d’ailleurs dans la tradition de ces groupes suédois, à l’instar de Leviathan, Ondskapt et consorts, entre une production faussement sale mais profondément souterraine, un riffing énergique évoquant l’étrangeté triste du réel, des vocaux éraillés et une guitare acoustique caractéristique égrenant ses notes acides, pour respirer, enfin, le croit-on.
A l’instar ou à la façon de, certes, et premier album qui plus est. Mais en aucun cas une copie de ; L’album est suffisamment varié et efficacement composé afin d’avoir sa patte, sa propre identité. Les mid-tempo percutants le disputent aux tremolo acérés et aux passages brutalement saccadés, offrant une lecture plus chamarrée dans sa noirceur qu’il n’y parait. Un long couloir donc, aux tons noirs, gris sombres, gris opaques, gris brumeux mais chacun évoquant un souvenir douloureusement équivoque et disparate.
De tous les groupes suédois cultes commençant à enquiller les vingt ans au compteur, il est dommage de voir Bergraven et surtout son riche premier album être oublié. J’espère ainsi venger une petite injustice.