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Zyklon-B - Blood Must Be Shed
Chronique par Storm - Publiée le 24/10/2025
Zyklon-B - Blood Must Be Shed
Note : 4.5/6
Genre : Black Metal
Année : 1995
Label : Blackend
Pays : Norvège
Durée : 10:54
Tracklist :
1.
Mental Orgasm
02:54
2.
Bloodsoil
02:25
3.
Warfare
05:35

C’est un line-up plutôt iréel qui va se réunir pour produire cet EP légendaire dont l’empreinte bien marquée va renvoyer aux calendes grecques (ou plutôt norvégiennes) des monceaux de groupes se voulant agressifs, performants et jusqu’au-boutistes. Jugez plutôt, Ihsahn (EMPEROR) s’occupe des claviers, Samoth (EMPEROR) de la six-cordes et de la basse, Frost (SATYRICON) de la batterie, Aldrahn (DØDHEIMSGARD) est au chant, Faust s’est occupé des paroles du fond de sa cellule et la production est signée Pytten. Imaginez-vous la prestation de ce quartet bien résolu à nous foutre dans la gueule un peu plus de dix minutes de guerre sonore, belliqueuse, harcelante et haineuse ? ZYKLON-B n’était pas pensé comme un projet à long terme, mais plutôt comme une expérience ponctuelle permettant la décharge d’une violence pure.

Le nom du groupe fut choisi, évidemment, bien plus pour la charge symbolique extrême qu’il porte que pour le choc, le groupe voulant avant tout évoquer la capacité de l’homme à anéantir. Enregistré de manière instinctive et rapide au Creative Studios de Kolbotn (le même où MAYHEM enregistra son "Deathcrush"), Ihsahn et Samoth, qui sont à la composition des titres, empilent des riffs frénétiques et des structures apocalyptiques, tandis que Frost enregistre ses parties de batterie en une seule prise. Musicalement, "Blood Must Be Shed" préfigure le Black industriel de THORNS à venir ou les futures expérimentations labyrinthiques de DØDHEIMSGARD. Cet EP peut également être pris en exemple comme un des premiers méfaits de ce que l’on appellera par la suite, ou de manière contemporaine, le War Metal. Sulfureux, avant-gardiste et nihiliste, "Blood Must Be Shed" cristallise toutes les agitations de son line-up.

Samoth, qui venait de se faire arrêter pour ses incendies d’église, nourrissait une posture frontale irascible contre toute forme d’autorité. Frost, véritable machine humaine, vivait ses plus belles heures de batteur et venait de finir "The Shadowthrone". Ihsahn, quant à lui, cherchait de nouvelles pistes d’exploration bien au-delà du Black symphonique de "In the Nightside Eclipse", tandis qu’Aldrahn, en pleine effervescence, ne s’accordait aucun repos et s’obstinait à faire bouillir son inspiration suite à la sortie de "Kronet Til Konge". D’ailleurs, pour l’anecdote ou complément d’information, sachez qu’Aldrahn fera partie de THORNS par la suite et Samoth, fort de cette expérience ultime au sein de ZYKLON-B, ira former ZYKLON à sa sortie de prison et reprendra les codes Black/Death sauvages de ce "Blood Must Be Shed".

Trois titres vont former cet EP, trois actes d’extase destructrice mus par la violence mécanique et absolue du jeu de Frost, qui blaste à tout va et infernalise l’ambiance. Le chant possédé d’Aldrahn est remarquable. Survolté, ce dernier est arrivé plus tard lors de l’enregistrement de "Blood Must Be Shed" et a posé sa voix tel un prêcheur hystérique au milieu d’une explosion nucléaire de riffs dissonants, abrasifs et de martèlements inhumains. Seules les accalmies spectrales parsemant le titre "Warfare", des claviers d’Ihsahn, nous ramènent un soupçon d’humanité. Leurs signatures EMPEROR-iennes, assez marquées, vous raviront les oreilles. Le final de ce titre, le meilleur des trois à mes yeux, est absolument génial. Le côté industriel de ce Black Metal se fait aussi bien plus entendre et l’ambiance survoltée atteint son paroxysme de fureur.

Malgré les démentis et les justifications, ce "Blood Must Be Shed" de ZYKLON-B sera censuré dans plusieurs pays. Ces choix délibérément provocateurs (le nom du groupe, des titres, les paroles violentes…) visant pourtant à rappeler la folie humaine, n’ont pourtant pas été compris de tous, et en partie des critiques de l’époque. Malgré cela, cette unique œuvre, audacieuse et sans compromis, est avant tout une comète noire dans le ciel de la Norvège — fulgurante, terrifiante, brève — mais gravée dans la mémoire pour sa sincérité brute, sa crudité et sa violence existentielle. Véritable catharsis pour Ihsahn avant le futur "Anthems to the Welkin at Dusk", cet EP est aussi pour Aldrahn un exutoire préfigurant les futures expérimentations aliénées de "Monumental Possession" de DØDHEIMSGARD. Frost est d’une impérialité folle, et le son de cette batterie froide vous rappellera bien évidemment celui présent sur l’austère "The Shadowthrone". Un EP légendaire, en tout cas, ma main à couper.