Lorsque l’on aime à la folie SUMMONING, quoi de mieux que s’essayer, non pas à copier le duo autrichien de manière éhontée, mais plutôt à le célébrer en reprenant les titres fétiches qui ont tant su développer la rêverie, l’émotionnel et le souvenir, le tout intriqué dans son propre parcours musical, ainsi que dans les couloirs, les souterrains et les hautes sphères de son existence. En déployant dans ces reprises, son soupçon singulier, et sa sensibilité empirique, "Echoes From The Dark Lands" est une franche réussite, disons-le tout de go. Je sais que pour ERROIAK, cet amour pour le duo autrichien est inextinguible et inamovible. Nous avons discuté tout deux l’hiver dernier de cette passion commune qui nous anime, reconnaissant en nous, deux frères de la horde fidèle jusqu’à la mort de l’entité autrichienne. Cette force et cette puissance que met ERROIAK à magnifier quelque part SUMMONING me touche au plus profond de ce que je suis.
De plus, ERROIAK n’est pas un ersatz chancelant s’essayant à cohabiter avec l’univers de Silenius et Protector, non, non ! Le sieur, avec son bagage musical dense et épais, nous sert sept titres des plus fameux, de ceux également de mon panthéon, et avec une maestria qui ne fait que combler les compositions originelles. Plus qu’un tribute à l’emporte-pièces comme a pu l’être, celui de 2016 intitulé "In Mordor Where The Shadows Are" et chroniqué par mes soins en ces pages, avec son lot de reprises moyennes et ces quelques fulgurances, "Echoes From The Dark Lands" est le deuxième tribute de ERROIAK à SUMMONING après "Journey To Mordor" sorti en 2020 et qui me paraît, encore pour l’heure, moins abouti que cette nouvelle sortie. François Colas est ce Français francilien multi-instrumentiste qui a pris l’alias Erroiak pour entreprendre le Black Metal dans sa vie.
Si vous avez pu entendre ses compositions dans différentes entités, citons par exemple le projet ENTERRÉ VIVANT qu’il partage avec Sakrifiss, le sieur s’illustre aussi du côté du chant dans nombre de projets dont le dernier EMINENTIA TENEBRIS que je vous chroniquerai tantôt, ainsi qu’avec d’autres instruments (la basse dans NUIT MACABRE et TOUR D’IVOIRE, la guitare au sein de HRAD). Voilà pour la succincte présentation et la mise en perspective de l’engagement d’Erroiak au sein de la scène française. Pour en revenir à cet album, je vous indiquerai en premier lieu que l’ensemble des ingrédients qui ont fait la haute singularité de SUMMONING sont ici respectés (batterie programmée épique, nappes de claviers fructueuses, vocaux déchirés et décharnés, riffing brumeux en arrière-plan). Mais ce qui fait la grande plus-value de ce tribute c’est cette impression subtile que le duo autrichien semble s’être installé dans chaque recoin de ces reprises. Erroiak a choisi de piocher les titres incandescents de trois albums de la discographie de SUMMONING et pas de moindres : "Over Old Hills" et "Unto A Long Glory…" de "Dol Guldur" (1996) ; "Like Some Snow-White Marble Eyes" et "Long Lost To Where No Pathway Goes" de "Stronghold" (1999) ; "A New Power Is Rising" et "Ashen Cold" de "Let Mortal Heroes Sing Your Fame" (2001).
Forcément, comment ne pas s’incliner par ces choix forts judicieux. Et Erroiak, avec la subtilité et la belle palette de son jeu vocal nous hypnotise tout autant que Silenius, à bien des égards, sait le produire nativement. Sur ces reprises, un regain d’agressivité loin d’être désagréable, bien au contraire, se fait entendre et passionne. Les claviers sont aussi plus audibles et la batterie programmée est légèrement mise en avant. La production bien claire et puissante apporte cette émotion palpable qui prend aux tripes et nous laissent avec bonheur nous faire fermer les yeux pour le voyage intérieur. Non, vraiment, je ne trouve pas de grands défauts à ce tribute qui fait sonner de manière authentique l’amour d’Erroiak pour SUMMONING. Même l’instrumentale aux claviers très 80s de "Like Some Snow-White Marble Eyes" est envoutante, bien qu’elle m’ait désarçonné au départ. À la faveur de nombreuses écoutes (pas pour rien que j’ai mis de longs mois avant de pouvoir/vouloir écrire cette chronique), j’ai compris le sens de cette piste. Elle sonne chez moi, comme les brumeux souvenirs des premières sonorités des synthés Roland ou Yamaha (c’est vous qui voyez), avec cette candeur forte et gracile qui a baigné les sons de mon enfance… J’y vois, du moins j’y pressens cette nostalgie forte chez Erroiak. Peut-être a-t-il voulu mettre cette cénesthésie à profit pour l’un de ses plus beaux titres de SUMMONING ?
Vous l’aurez donc compris chers lecteurs, j’ai pris un bain de jouvence avec ce tribute que je vous recommande fortement et qui, dans l’univers des tribute, est une réussite totale. Allier un sens incroyable de l’analyse émotionnelle des œuvres de SUMMONING avec une dextérité technique imparable ne pouvait que me faire briller les yeux. ERROIAK a frappé un grand coup cette année et ne peut être qu’accueillit très favorablement dans l’univers des Autrichiens. Il m’aura aussi permis de temporiser mon attente depuis 2018, date à laquelle est sorti "With Doom We Come". Car, vous savez, SUMMONING est un de ces groupes que l’on n’ose brusquer tant il pourrait être quelque part tragique qu’il disparaisse à tout jamais. Tous les fans s’arment de patience et ne comptent pas les années écoulées. Ils savent contenir leurs bouillonnements et leurs trépignements de peur que les étoiles ne s’alignent plus, et que Protector et Silenius tirent leur révérence dans les ténèbres affamées. Je n’ose pas m’imaginer ce jour et je ne saurai m’y préparer qu’au pied du mur. Tout un pan de ma jeunesse chancèlera et il me sera très difficile de regarder en arrière sans avoir le cœur serré par la nostalgie et tous un tas de réminiscences.