À chaque jour suffit sa joie moi je vous dis. Et aujourd’hui c’est de CHRIST AGONY dont je vous souhaite vous parler. L’arrivée d’un neuvième album promis pour le début de l’automne m’a ramené inévitablement vers les premières œuvres des Polonais. Sans doute que certains parmi vous, chers lecteurs, connaissez cette pochette, peut-être moins son contenu musical. Savez-vous notamment que ce groupe nous a adressé sa première offrande en 1990 ? Cela fait un bout, je vous l’accorde, mais, eu égard à l’histoire récente du Black Metal, nous pouvons affirmer que CHRIST AGONY, emmené par le sombre et jeune Cezary "Cezar" Augustynowicz, fait partie de ces premières légions qui ont su peindre singulièrement un des premiers corridors du style.
Après un premier album de Black/Death Metal assez sombre sorti en 1993, "Unholyunion", le groupe dore déjà sa musique d’un vernis ritualiste, ce qui sera d’ailleurs leur marque de fabrique par la suite, et développe un Black Metal bien plus porté sur la mélodicité que la crudité. De fait, ce parti pris plutôt rare à l’époque les a davantage rapprochés d’un SAMAEL que d’un DARKTHRONE. Leurs autres compatriotes de l’époque, les ARKONA, INFERNUM, GRAVELAND, BEHEMOTH, VELES ne leur damaient pas vraiment le pion, tant bon nombre d’entre eux exploraient d’autres sentes plus belliqueuses et nationalistes, dirons-nous pour faire court. CHRIST AGONY, avec son mid-tempo caractéristique assez fiévreux, développe des thèmes particulièrement occultes et labyrinthiques. "Daemoonseth – Act II" est un album qui se révèle après une bonne poignée d’écoutes à la clef. Son côté expérimental, travaillé et polymorphe pourrait en dérouter plus d’un.
Je vous propose donc, pour confronter mon propos, de faire l’écoute du titre "Athyrium Typha Luciferi" qui révèle tout le savoir-faire de Cezar. La belle qualité des riffs et la complexité des différentes scènes sonores de ce titre nous embarquent dans un voyage assez passionnant et raisonnablement agressif. Le parti pris de CHRIST AGONY étant avant tout de nous plonger dans une forme de rituel sacré protéiforme plutôt implicite. "Diaboli Necronasti" développe des motifs d’une grande beauté avec des guitares quasi Heavy et toujours ce mid-tempo mi-tourmenté, mi-hypnotique, tandis que le dernier titre "Abasatha Pagan (Prophetical Part III)" nous fera davantage serrer les dents tant la part sombre de CHRIST AGONY se dévoile davantage avec son côté primal et bien plus Black/Death Metal. Les vocaux de Cezar – gutturaux mais habités – font à nouveau mouche au milieu des guitares serpentines et des ambiances ésotériques.
Le label français Adipocere Records ne s’était pas trompé en signant ce deuxième album plutôt abouti des Polonais. Il est pourtant une mise en bouche certes copieuse mais annonciatrice du très bel album qui sortira deux ans plus tard : "Moonlight - Act III". Avec son ambiance plus raffinée encore et tout aussi complexe, ce troisième opus magnifiera le projet artistique de CHRIST AGONY. Ni raw à la norvégienne, ni symphonique à la suédoise, le Black Mélodique des Polonais ouvrait quelque part une troisième voie. Conservant les aspects sombres et mélancoliques typiques de la scène polonaise, l’aura mystique et immersive de "Daemoonseth – Act II" préfigure également les travaux de NECROMANTIA ou de ROTTING CHRIST de l’époque. Tout un programme donc, et recommandable.