C’est une pépite découverte sous la neige que seule une épaisse couche de givre maintenait invisible. Ce fluide glacial, maestro de "In Times Before The Light", souffle très fort dans les cordes d’un mur de guitares semblant résiduel au premier coup d’oreille, mixé un peu en retrait de la scène sonore. Ce rempart mélodique vampirise son petit monde insidieusement, l’apport de la reverb donnant de l’embonpoint aux ambiances, laissant, comme l’indique Julien, la part belle aux claviers et au chant ténébreux de Nagash, qui apparaissent tous deux de manière plus projetée et frontale.
J’assiste à la découverte des lieux entourant ce château lugubre perdu dans un vallon sournois et sordide. "The Dark Conquest" m’y plonge expressément et semble m’en faire la visite et le conte d’horreur. L’esprit du maître des lieux chuchote dans les murs, je me perds dans ce dédale lugubre à mesure que mes forces me quittent, guidé par ces murmures obsédants. Chaque pièce m’accueille par une symphonie de claviers dégoulinants et sinistres.
L’ambiance glaciale de "In Times Before The Light" est omniprésente et constitue le plus bel atout de l’album, elle ne fige rien, bien au contraire, car l’ensemble des compositions sont mues par des claviers qui relancent une dynamique singulière et stylée. La voix de Nagash est accrocheuse, son éructation est propre et colle à l’humidité de ce château. Cet album est prodigieux à plus d’un sens. S’il existe une allégorie des Carpathes dans l’inconscient collectif, cet album s’y prête totalement. Bien plus que le Black gothico-roccomantique de CRADLE OF FILTH ou celui plus congruent de HECATE ENTHRONED. Le duo norvégien réussit un coup de maître exemplaire d’originalité et absorbé d’angoisses.
Écouter "The Chasm", c’est entendre un titre saisissant, une échappée mortuaire, la poursuite effrénée de la mort sur la vie. Je suis resté accroché à cet album, car une partie de mes sens n’a jamais réussi à se délivrer de cet emmurement. Pour enfin avoir la possibilité de les retrouver, je me dois de donner la note maximale à cet opus quelque peu oublié au profit du futur virage entamé avec le futur succès de "Nexus Polaris".
Moi, mon cœur est fêlé, comme l’a écrit Charles Baudelaire, et je suis un sempiternel visiteur de cachots pourrissants, un observateur patenté des décrépitudes du temps, "In Times Before The Light" me sied bien mieux que tout le reste de la discographie, je le garde jalousement près de moi pour le futur enfer !