Poussé par les vents solaires ou se découvrant dans le magma du vide interstellaire, ce premier album de MUSSORGSKI vous est mis en lumière par je ne sais quel truchement. Khorzon, le seul guide à bord, accompagné de deux comparses, est russe et prendra davantage ses quartiers au sein d’un groupe qui scintillera de davantage de renommée : ARKONA. Du reste, vous pouvez lire la chronique du dernier album, "Stella Pandora", qui vaut son pesant de poussières stellaires, je dirais, même si son propos est tout autre. Pour en revenir à ce projet, sachez qu’il est difficile de classer cet ovni qui pourrait se placer entre du Black Industriel à la MYSTICUM/ABORYM/BEHERIT et des projets plus avant-gardistes tels que OXIPLEGATZ ou bien encore TRANSCENDING BIZARRE?

S’inscrivant donc dans la sphère du Black Metal, MUSSORGSKI néanmoins cherche à nous en faire perdre un peu la trace pour nous emmener dans des fluides sonores déshumanisés. La diction vocifératrice de Messiah, le chanteur, a cette accointance extrême propre aux grands albums slaves. Son grain se rapproche sacrément de celui de Thurios au sein de HATE FOREST. Mais c’est dans ces ambiances étranges que MUSSORGSKI se distingue. Des titres sonnent comme un BETHLEHEM en hypoxie cérébrale tels que "To Wisdom Coming From The Cosmic Space", ou "My Own God" avec leurs leads doomy et aiguisés audibles en arrière-plan de manière inquiétante. D’autres encore se désincarcèrent du Black Metal pour proposer une hybridation industrielle et électronique, doublée de cliquetis, de voix corrompues et désincarnées. Je pense par exemple à des titres tels que "New-York-Miami", "In Fear Of Nonentity", ou bien encore "H.H.G. (The Scientific Research)". Trois titres totalement ovni pour l’époque…

Subsiste aussi dans cet album des interludes de Dark Ambient fort intéressants qui pourront nous rappeler certains passages à la LUSTMORD ou à la BAD SECTOR, notamment avec les pistes Sci-Fistes qui se suivent "Near Encounters With 5th Measure" et "Aliens". C’est comme si le signal auparavant perceptible se perdait dans les corridors de l’espace et que l’invasion annoncée approchait au milieu d’alarmes de détresse, puis d’un silence de mort. Quelque chose de ces titres me rappelle les travaux de BEEHATCH (avec l’album "Brood") et de DOWNLOAD, deux groupes éclectiques de la scène Noise et Indus. MUSSORGSKI, de par son Black Metal avant-gardiste, préfigure très certainement comme un précurseur qui pourrait avoir influencé le "The Work Which Transforms God" de BLUT AUS NORD, et les albums de VOID et de DARKSPACE.

Passé sous les radars à l’époque, du fait d’une distribution fort discrète de la part de leur label, Morbid Madness, mort-né avec cette sortie, "In Harmony With The Universe" est pourtant un objet que tout amateur d’éclectisme et de cabinet de curiosités se doit de dénicher. Cet album m’a été conseillé par Anima et je ne peux que l’en remercier. Absorbé par l’espace-temps et la fragrance hypnotique des effluves industrielles, expérimentales et diaboliques de cet opus, je dois bien avouer que je retente l’aventure régulièrement depuis que je l’ai découvert. MUSSORGSKI aura une bonne césure pour réapparaître avec un album sans âme en 2011, "Chaos And Paranormal Divinity". Je vous conseille bien plus le suivant de 2016, "Creatio Cosmicam Bestiae", qui reprend les codes et les clés laissés dans le vide intersidéral par "In Harmony With The Universe", mais en prolongeant fidèlement l’apesanteur et l’aveuglement solaire. MUSSORGSKI fait partie de ces groupes singuliers qui, à l’instar du projet de Fenriz, NEPTUNE TOWERS, ont agrandi le champ des possibles aux cieux noirs du Black Metal.