Vers le milieu des nineties, personne ne peut dire que Napalm Records enfile des perles et n’en détecte pas. Je vous laisse le soin de voir leurs catalogues de l’époque, c’est autrement parlant. Et voilà que NÅSTROND décroche l’un des premiers sésames du label, qui en est encore à ses balbutiements, avec un Black Metal bien original. Karl Ne et Aragnas sont de grands amateurs de sciences ésotériques et, à l’époque, membres de l’Ordre du Dragon Noir (le pendant européen de l’Église luciférienne basée aux US). Le duo suédois esthétise leurs engagements en nourrissant leur musique d’influences occultes sur un "Toteslaut" maléfique et désarçonnant.
L’album est truffé d’ambiances sombres, crues et brutes. Dès le premier titre, "Xolotl", les dés du mauvais sort et du mauvais œil sont jetés. Cette pièce introductive sonne comme un rituel de magie noire et annonce les futurs sorts qui seront portés à l’existence des auditeurs. NÅSTROND s’emploie à décliner dans chacun de ses titres des ambiances différentes. Nous pouvons retrouver tantôt un Black Metal très ouvertement atmosphérique – mais attention, nous ne sommes pas dans les ambiances à la Caspar David Friedrich décrites par nombre de groupes avec paysages forestiers, ode à la nature et aux éléments –, le duo suédois se réservant davantage les atmosphères froides des caveaux ou des pièces de pratiques interdites et profanes, tantôt ce même Black Metal s’accompagne d’envolées moins sombres. Je pense notamment à la piste "Neuntoter (Yo Soy El Roy!)", qui gagne pas mal en variété et semble s’ouvrir vers le ciel radieux un instant, pour finalement revenir vers les Enfers au doux son de ricanants sarcasmes.
J’apprécie beaucoup l’originalité du combo suédois, car il ne présente pas du Raw Black Metal enregistré entre deux sépultures, malgré une production somme toute moyenne mais parfaitement audible et mettant en avant nombre de détails. Le soin de "Toteslaut" est porté sur l’ajout d’arrangements qui font mouche et permettent une écoute non conventionnelle de l’album. J’aimerais vous glisser quelques mots sur la piste rituelle "Jai Ma Kali", qui relate la danse frénétique de la terrifiante déesse-mère hindoue de la Destruction que seul Shiva réussira à calmer. Cette piste me rappelle un autre groupe particulier, assez éloigné du Metal mais valant le détour : VISHUDHA KALI. Je pense notamment à cette track "Vse To Ludi Zhivut", issue du split "Vorotsa" concocté avec les non moins étranges MOON FAR AWAY. Si le cœur vous en dit et l’expérience aussi ! L’ambiance rituelle y est forte, tout en étant corrélée à des mélodies sombres et hautement musicales.
Écoutez ce son de guitares de "Toteslaut", qui semble à tout moment vouloir décliner vers les Enfers. Accordées bas, la sonorité des guitares paraît se déformer au gré des écoutes et agit comme un décor vivant, un peu en arrière de la scène sonore. Côté ambiances, nous sommes donc servis, voire doublement et avec du rab. Certains titres sont plus faibles que d’autres, mais globalement nous tenons un bel album de Black Metal des 90’s. NÅSTROND me fait penser à cet autre groupe suédois génialissime qu’est ARMAGEDDA, avec notamment cet album dont je vous conseille fortement l’écoute : "Ond Spiritism: Djæfvvlens Skalder Anno Serpenti MMIV". Il partage la même folie originale et originelle, ainsi que cette crudité émoussée de toute affectivité.
