Je me revois encore griffonnant sur une page grand carreau les lyrics de cet album d’ABIGOR, cherchant à les traduire le mieux possible pour en chercher le sens caché. Le livret, volontiers mystérieux, fait la part belle à la cosmogonie et rajoute de l’éclat à son aura énigmatique. Suite à l’achat et la découverte récente du voluptueux "Nachthymnen", les primo-lectures de "Opus IV" me parurent difficiles. Car d’emblée, l’album m’eut semblé assez écorché ; la production, davantage neutre et sèche, donne un rendu clinique, agressif, à la première partie de cet album, nommée "Horns Lurk Beyond The Stars", et qui comporte les quatre premiers titres. Les aspérités sonores, sonnant plus âpres et sèches, les guitares griffant plus fortement les esgourdes, il faut un certain temps pour habituer l’oreille. Fourmillant d’ingéniosité, l’album s’apprécie dans la concentration et l’écoute des détails.
L’intro de "Eerie Constellation" est un petit concentré du savoir-faire abigorien, et la teneur du morceau, dans son ensemble, amorce la pompe mélodique et atmosphérique, marque déposée de l’entité autrichienne. Et cet art musical pourrait être à l’image des compositions de "Opus IV" : cru, scintillant et adamantin. ABIGOR pourrait figurer comme un groupe de Black Metal pur, assourdissant d’originalité et ne faisant fi que de la seule trace qu’il crée. C’est un joyau inrayable, qui traverse le temps et sera bientôt estampillé comme faisant partie des incontournables. Cet album, qui est l’alliance de deux EP distincts, comporte peu de faille. La seconde partie, "Blut Aus Aeonen", sonne, comme l’indique fort justement Julien dans la chronique principale, plus étouffée. Le mixage agglomère davantage les dynamiques des instruments et rend chacun moins distinct. Mais quelle partie novatrice ! Jeux sonores en pagaille, effets sur la voix, breaks curieux et sombres… ABIGOR a mis la gomme pour s’extraire de l’attraction terrestre, direction l’au-delà, bien calé sur ce siège de torture ! Oh ! Ce final de "Spektrale Schattenlichter" emportera toujours mes frissons vers les étoiles, qui plus est lorsque l’"on a 17 ans / Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade".(*)
(*) In "Roman" – Poème d’A. RIMBAUD