ALLEGIANCE est un de ces groupes un peu tapis dans l’ombre dans les 90s, mais dont la pochette de ce premier album vous dit peut-être quelque chose. Elle est signée Alf Svensson (ex-AT THE GATES, OXIPLEGATZ), rien d’étonnant lorsque l’on sait que ce dernier avait parfois le coup de crayon facile pour dessiner les covers des copains : "The Dynamic Gallery of Thoughts" de … AND OCEANS, c’est lui, le "In the Shadow of Your Black Wings" de BLOODTHORN, c’est encore lui, le "Heaven Shall Burn... When We Are Gathered" de MARDUK, c’est toujours lui… Produit sous la houlette de Dan Swanö au studio Unisound et signé chez l’écurie tout aussi en vogue à l’époque, No Fashion Records, "Hymn Till Handagud" marque le pas de ALLEGIANCE, groupe suédois, qui a enchaîné les démos depuis 1989, date à laquelle le line-up se forme sous l’impulsion de Fredrik Andersson notamment et de Bogge (alias B-War). Et si ces noms ne vous disent rien, sachez qu’il s’agit bel et bien de l’homme derrière les fûts au sein du MARDUK des 90s, de "Opus Nocturne" (1994) à "World Funeral" (2002) pour le premier, et du bassiste du même groupe sur la même période (le "Those Of The Unlight" (1993) en sus pour ce dernier). Mais nous aurions tort d’imaginer ALLEGIANCE comme un ersatz dupliqué de MARDUK, car "Hymn Till Handagud" n’est point entiché de rythmes archi-frénétiques et d’une diablerie déployée outre-mesure.
Le groupe l’aime à le rappeler, leur credo c’est plutôt le Viking War Metal. Rien que le logo du groupe confirme aussi cette petite idée, les paroles également, mais je crois que cela s’arrête un peu là. Car à contrario d’un KAMPFAR notamment, ALLEGIANCE est davantage bercé par un Black Metal mélodique avec une composante plutôt Death. D’ailleurs, si l’on remonte un peu dans le temps, et donc dans l’histoire du groupe, les Suédois se sont initiés en produisant du Death Metal plutôt cru et crude, comme l’écoute d’une partie des démos le confirme. Le virage vers les ténèbres va s’amorcer à partir de la mi-90, sans doute porté par l’engouement de cette nouvelle scène extrême. ALLEGIANCE n’a pas voulu rater le coche et a mis toutes les chances de son côté pour sortir, au milieu des THRONE OF AHAZ, DARK FUNERAL, SACRAMENTUM, VINTERLAND, SATYRICON, ARCTURUS, un premier album bien ficelé et mûrement composé.
Dès les premiers titres, l’on sent l’évidente confession possible d’une influence toute DISSECTION-esque, les claviers en sus et – il est vrai – l’ambiance épique et fière. Pour preuve, rien que l’opener "Höfdingadrapa" nous le confirmera : chants hurlés en suédois, montées agressives de considérations Viking… le tout abreuvé de riffs bien saillants qui gonflent les voiles d’un possible drakkar. ALLEGIANCE pourrait ressembler au mix improbable d’un VINTERLAND et d’un KAMPFAR, avec des vues explicites à DISSECTION, sans disposer pourtant – malgré une évidente technicité et des compositions bien tenues – du même talent. Les titres passent et repassent mais ne se subliment pas. Il manque des riffs dingues aux motifs entêtants, des mélodies discrètes qui font de suite mouche. Pas étonnant que cet album de ALLEGIANCE reste assez confidentiel. Sa lecture confirme que, s’il sait rester discret dans le cœur des Black Métalleux, il aurait sans doute gagné un succès d’estime si l’album avait comporté un hit ou des titres un peu au-dessus de la mêlée. Au lieu de cela, "Hymn Till Handagud" patine un peu malgré ses évidentes qualités. Mention spéciale tout de même aux titres phares "Stridsfärd" – le plus court de l’album – mais qui est doté d’une agressivité bien mordante et sort carrément du lot, mais aussi à "Spjutsången", qui taille bien dans le gras et, pour le coup, nous fait vivre entièrement ce concept de Viking War Metal.
Bien sûr, ALLEGIANCE ne s’arrêtera pas là et continuera sa progression sur un second album un an plus tard, "Blodörnsoffer", que certains considèrent comme supérieur. Le groupe y mettra tout de même pas mal de côté ce Viking War Metal qu’il aurait pu habilement déployer, pour se rapprocher des tribulations guerroyères d’un MARDUK. Les rythmes vont s’épaissir et s’accélérer, et le chant va changer pour se rapprocher bien plus des canons du Black Metal. Un peu dommage selon moi, mais nous en reparlerons. En attendant, je considère – malgré cette chronique pas si dithyrambique que cela – "Hymn Till Handagud" comme un oublié. Et ne serait-ce que pour honorer ma mémoire et cette pochette qui me hantait lorsque je la scrutais dans les Metallian de l’époque, je dois bien avouer que cet album ne me déplaît pas, ni ne me déçoit. Il ne fait pas partie de ceux que je me repasserais en boucle, mais de temps à autre, il ne fait pas de mal de l’écouter, bien au contraire.