Il est tout à fait vrai que je vous ai écrit une chronique récemment à propos du second album des Polonais, uniquement pour escamoter celle de mon préféré de la discographie, sorti en 1996 ; cette si riche année pour le Black Metal. Pour moi, "Moonlight – Act III" est un bel oublié et une pépite cachée… bien trop cachée. Normal, vous me direz, lorsque l’on fait du Black Metal occulte. Mais, ne vous méprenez pas, CHRIST AGONY n’est pas du tout une entité brouillonne qui se débat avec des titres à rallonge à deux riffs sous le couvert d’une production intenable et inaudible. Non, "Moonlight – Act III" est un album qui jouit au contraire d’une mélodicité importante, puissante et d’un son qui n’a pas encore pris une ride. Et pour cause, trente ans après, son écoute est toujours aussi plaisante, sa technicité continue de m’impressionner et sa vision singulière, bien loin des canons vénérés de l’époque, en font un album de Black Metal unique, bien charpenté et racé.

Cezary Augustynowicz, le fondateur et compositeur de cette entité, a lâché totalement les chevaux concernant son inspiration. Son chant puissant, légèrement rauque, est vérace et emporte la maestria des leads très inspirés fourmillant dans les moindres recoins de cet opus. Doué, le garçon ? Certainement. Eu égard à son jeune âge en 1996, il est important de souligner que le sieur a déjà cette maturité indéfectible de suivre sa propre voie sans chercher à rentrer dans un quelconque moule. À la manœuvre donc aux guitares, attendez-vous à être surpris par cette belle richesse mélodique et envoûtante à la fois, qu’il arrive à faire transparaître dans ces riffs tantôt obscurs, tantôt mélancoliques, tantôt lumineux. "Moonlight – Act III" est plutôt varié. Chaque titre comporte sa proposition et son lot de breaks ingénieux et accrocheurs. Et je pourrais en faire étal plus largement, mais cela serait indigeste.

En tout cas, si je dois faire un focus sur plusieurs titres, j’aimerais, par exemple, vous diriger peu après la troisième minute de "Devilish Sad", là où ce titre s’envole pour de bon et jusqu’à sa dernière seconde en vous pétrissant les neurones et en les comblant grâce à ces nombreux motifs sonores pugnaces et très bien composés. J’aime tout particulièrement le mysticisme de "Paganhorns" qui, sous ses aspects païens, révèle un très bel équilibre (je soupèse mes mots) entre le jeu vocal de Cezar, le mid-tempo hypnotique de son comparse Gilan et les douces mélopées des leads qui animent ce titre d’une sombre beauté. "Mephistospell", qui démarre comme un rituel satanique, est certainement la pièce maîtresse de l’album. Avec une certaine forme de sournoiserie, les ambiances s’imprègnent en vous et vous traversent la peau. Plutôt énergique, "Mephistospell" donne un petit coup de fouet supplémentaire à l’écoute, et cela le rend d’autant plus savoureux.

Quelques longueurs sont présentes sur le premier et le dernier titre de "Moonlight – Act III", mais cela reste à la marge. Mention spéciale également aux ambiances fantomatiques et bien lugubres de "Moonlight", qui se fraie également un chemin vers les meilleurs titres de CHRIST AGONY. J’ai presque failli oublier de vous parler de celui-là… il mérite amplement que l’on s’y attarde. Bref, je crois que vous aviez compris toute l’attention que je portais et porte encore à cet album. Du reste, j’espère vous l’avoir suffisamment bien décrit et que mes propos ont été assez justes pour que vous en deveniez quelque chose. Cet album vous surprendra, ce n’est pas du Black Metal ordinaire, c’est plutôt quelque chose d’hybride qui s’adosse à certains terrains connus mais qui creuse son sillon avec conviction. Le talent, cela ne s’explique pas, mais se contemple.