Tiens, tiens, une belle pépite peu évoquée ou assez méconnue. FORLORN, vous connaissez ? Nous sommes bien entendu en Norvège, au milieu des années 90 et le Viking Metal fait une entrée remarquée dans la sphère extrême, poussé par le besoin de toute une jeunesse de métalleux de convoler à nouveau, de manière assez conservatrice, en noces avec l’esprit des anciens. Pas mal de sorties dans la besace de 1996, une très belle année, un excellent cru, mais dont les destins des sorties diffèreront. À côté des mastodontes BURZUM, SUMMONING, SATYRICON, OPETH ou bien DARK FUNERAL, j’aimerais vous citer quelques albums remarquables tapis encore dans l’ombre et que je ne manquerai pas de vous parler : l’album éponyme de POCCOLUS, le "Vox Clamentis" d’ALGAION, l’"Imperium" des Polonais d’ARKONA, le "A Requiem Of Light" de GRIMOIRE ou encore le "On Twilight Enthroned" de l’excellentissime THRONE OF AHAZ, ou bien l’inconnue mais envoûtante pièce d’ambient/néoclassique polonaise "Haudh’En’Nirnaeth" de NIRNAETH.
Et quelle odieuse infamie que de passer à côté de cet EP génial de FORLORN, l’air dédaigneux et/ou moqueur. Tant pis pour ceux qui s’en désintéresseraient ou n’en prendraient pas le temps, et bienvenue aux curieux qui lisent cette chronique, qui, je l’espère, vous fera saliver. Car FORLORN n’a pas à rougir face à d’autres mastodontes tels que THYRFING, FALKENBACH ou bien encore EINHERJER ou MITHOTYN… Rougir, très peu pour eux, leurs fronts sont blancs comme neige, leurs allures fières comme jadis leurs descendants Vikings. Surtout, n’oubliez pas cela : FORLORN développe des ambiances et des riffs comme peu l’ont produit dans ce style. Le chant clair, les chœurs accompagnent la tournée des décibels perdus dans les tempêtes mélodiques et brumeuses. Car FORLORN est un navire qui apparaît subitement et surprend. Que m’en direz-vous, tiens ? Qui peut composer des hymnes guerriers tels que "Ærefull Ferd", allez-y, prenez une feuille, un crayon, je vous écoute, vous avez trois minutes ! Entendu, je vous l’accorde, vous aurez une belle note et un bon point si vous me citez WINDIR, mais la note sera maximale si vous osez dire que FORLORN est absolument unique dans ce paysage couvert de groupes en tout genre.
Écoutez, dans la pénombre, la rythmique captivante de "Ragnarok", et dites-moi si votre esprit ne virevolte pas à travers les siècles en dansant au-dessus de l’histoire et du temps ? Ce chant hurlé qui vocifère au-dessus des embruns, se faisant l’écho des chœurs guerriers et fiers, n’est-il pas juste et prenant aux tripes ? Ça y est, vous m’aurez compris, FORLORN sont des petits génies bien habiles et qui détroussent l’inutile. Ils agissent telles des boussoles, donnent des repères, sont des phares éclairants de bravoure face aux tempêtes de l’oubli. Le temps d’accoster sur cet îlot désert, et vous aurez à cœur de découvrir cette terre inconnue sur laquelle vous auriez pu faire naufrage et ne pas en réchapper. La douce flûte de "A Battle So Bright" invite à savourer ce temps supplémentaire de vie, ce gimmick fait son effet et donne de la perspective à un morceau qui n’en manque déjà pas. Et l’instrumentale "Drømmefanger" (= attrape-rêves) est un interlude, terme offensant à mon sens, de compétition.
FORLORN sont des cumulards de réussite sur cet EP, et c’en est passionnant et enivrant. Des dignes descendants de l’esprit de Quorthon de BATHORY, qui ont l’intelligence de ne pas tomber dans les clichés ou l’auto-suffisance de quelques menus riffs aérés ou pompeux, et de les surfer sur d’interminables minutes. Mais sachez-le, FORLORN fournit ici son premier effort, et le meilleur est à venir, lorsque sortira, honteusement encore dans l’ombre, le génialissime "The Crystal Palace".