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Mystifier - The World Is So Good That He Who Made It Doesn't Live Here
Chronique par Storm - Publiée le 04/11/2025
Mystifier - The World Is So Good That He Who Made It Doesn't Live Here
Note : 5/6
Genre : Black/Death Metal
Année : 1996
Label : Osmose Productions
Pays : Brésil
Durée : 36:27
Tracklist :
1.
Give the Human Devil His Due
05:32
2.
A Chant to the Goddess of Love - Venus
05:56
3.
The Death of an Immortal (According to the Astral Light)
06:02
4.
Idolatry
05:19
5.
The Barbarian Duelling with the Wise
04:52
6.
Moonick (Why Does It Never Rain on the Moon?)
08:46

Formés à la fin des années 80, les Brésiliens de MYSTIFER ont acquis un statut culte, et ce par le concours du parcours musical de leurs débuts. Influencés au départ par leurs écoutes frénétiques de la scène Thrash de leurs contrées tropicales, qui leur offraient quelques mets de choix : citons le "Morbid Visions" de SEPULTURA, le "Bloody Vengeance" (1986) de VULCANO, ou bien encore les premières démos de SARCÓFAGO, les Brésiliens de MYSTIFIER commencent à écrire, à l’instar de POSSESSED et de MORTUARY DRAPE, les premières lettres de noblesse d’un Death Metal qui se teinte des aspects occultes du proto-Black Metal (VENOM, BLASPHEMY). Par le concours de leurs démos remarquées, mais également de leur toute première signature avec un label (l’EP "T.E.A.R. (The Evil Ascension Returns)" sorti en 1990), MYSTIFER s’extrêmise tant dans son discours que dans son identité.

Habitués à la lutte, et baignant dans un contexte sociétal plutôt violent, nos chers Brésiliens originaires de Bahia (une ville gangrénée par la pauvreté du Nord-Est) n’ont pas forcément joui d’un alignement des étoiles à leurs débuts. À cette époque, tout est complexe au Brésil. Difficile de se procurer de la musique extrême, difficile également d’échapper aux menaces d’une société très chrétienne ainsi qu’à la guerre fratricide que se mènent, à l’époque, dans ce milieu, skins et punks à coups de schlass. Difficile toujours de trouver des musiciens et de se souder, pourtant MYSTIFIER va enfoncer les portes, créer son réseau et… se faire remarquer. Après un premier album, "Wicca", bien imprégné d’un Death Metal glauque aux accents trashy, le groupe signe avec Osmose Productions pour sortir le bien plus abouti "Goëtia", un an plus tard, en 1993. Les Brésiliens utilisent déjà à bon escient un synthétiseur et parfument de manière vénéneuse leurs compositions de fragrances glauques et mystiques.

En 1996, le groupe opère un tournant assez novateur en sortant, toujours chez Osmose Productions, ce "The World Is So Good That He Who Made It Doesn't Live Here". La surprise est de taille pour la fanbase ainsi que pour le label. Si leur Death Metal se teinte d’éléments plus Black, les Brésiliens lui font également opérer un virage plus dissonant, voire expérimental, et où les tempos ralentissent quelque peu. Le chant, autrefois toujours guttural, d’Arnald J.N.D. Asmoodeus se diversifie sur ce troisième album pour s’alterner entre growls caverneux et vocalises opératiques. La présence plus prépondérante des claviers densifie également cette atmosphère volontiers occulte que MYSTIFER essaye de nous transmettre. Les titres sont plus longs, se teintent d’une brume spectrale, de spoken words et de samples liturgiques. Volontiers hermétique et ritualiste, "The World Is So Good That He Who Made It Doesn't Live Here" conserve cette atmosphère sale et dérangeante malgré sa théâtralité notoire et la présence importante de nappes de claviers angoissantes et hantées.

Si cette nouvelle direction a fait tourner les talons aux fans les plus affamés de brutalité saugrenue, MYSTIFER a réussi son pari en proposant des compositions bien innovantes et avant-gardistes pour l’époque. La prestation d’Arnald J.N.D. Asmoodeus est saisissante et ne laisse pas insensible, que l’on aime ou pas son jeu. En offrant une plongée noire, psychédélique par endroits, Armand Beelzeebubth (le bassiste et compositeur principal du groupe) livre des titres visionnaires et inédits qui ne manqueront pas de faire référence par la suite. Écoutez donc l’abyssal "Moonick (Why Does It Never Rain On The Moon)", qui clôture superbement l’album, ou bien encore les deux titres très intéressants que sont "A Chant To The Goddess Of Love-Venus" et "The Death Of An Immortal (According To The Astral Light)", vous m’en direz des nouvelles !

Le label Osmose Productions, un peu échaudé par ce tournant radical qu’il ne voyait pas d’un très bon œil, arrêtera sa collaboration avec le groupe après la sortie de cet album, refusant de poursuivre leur contrat et annulant de fait la tournée européenne prévue à l’issue de sa sortie. Du reste, si "The World Is So Good That He Who Made It Doesn't Live Here" fut accouché dans la douleur, après une recomposition totale du matériel souhaitée par Osmose et une publication avec plusieurs mois de retard, il reste aujourd’hui une référence. Cultissime, cet album l’est assurément. À ranger précieusement tout près du "Scarlet Evil Witching Black" de NECROMANTIA, du "All the Witches Dance" de MORTUARY DRAPE ou bien encore du "Obscuritatem Advoco Amplectere Me" de ABRUPTUM…

Si cette rupture artistique audacieuse du groupe a surpris positivement Hervé Herbaut (le boss d’Osmose Productions), tout en lui faisant craindre une perte financière et commerciale majeure, l’album va aussi créer un peu de désordre au sein du line-up originel. Plusieurs années vont être nécessaires à Armand Beelzeebubth pour le reconstituer et proposer, cinq ans plus tard, ce qui aurait pu s’apparenter à l’ultime album des Brésiliens : "Profanus".