Lorsque je réécoute ce premier album des Norvégiens de BLOODTHORN, je rebascule quasi vingt ans en arrière. Il faut dire que même si BLOODTHORN n’a jamais connu le plus grand des succès, il aura marqué de sa singularité le Black Metal qui sortait à cette époque-là. L’aspect épique, quasi cinématographique, le tout happé par un mid-tempo prenant et ravageur avait le don de me siroter le cerveau.

L’aspect lent et pesant des compositions d’une durée longue – notamment pour l’époque où la courtesse des titres souvent prévalait – donne cette dimension un peu cérémonielle à l’album, comme si Krell nous contait une histoire médiévale fantastique ensorcelante. D’ailleurs, la présence de la chanteuse Christine Hjertaas contrebalance le fiel de Krell en apportant une touche éthérée très intéressante. En ce temps-là, la présence du chant féminin était assez monnaie courante, parfois bienvenue, parfois un peu embarrassante. Concernant BLOODTHORN, cette dualité vocale fonctionne parfaitement.

Pour en revenir à "In The Shadow Of Your Black Wings", les années passant, je le trouve toujours un peu inégal. Oscillant entre chefs-d’œuvre exceptionnels ("The Embodied Core Of Darkness", "Breeding The Evil Inside", "Scarred Lands") absolument incroyables, parés de passages atmosphériques bluffants, et longueurs pesantes ("Nightshadow", "... With A Bloodstained Axe"), l’album n’est certes pas exempt de défauts, mais ridiculise les conventions de l’époque. Avec leur style inimitable et repérable dès les premières secondes, Krell et Tom Johansen, appuyés par leurs musiciens de session, ont réussi le tour de force de développer une œuvre à part, à la personnalité forte, que le second album "Onwards Into Battle", sorti deux ans plus tard, amènera à son firmament.

Si Krell continue ses pérégrinations vocales chez les malfaisants de WHOREDOM RIFLE mais aussi au sein de PARFAXITAS (écoutez-moi l’album sorti l’année dernière, je vous prie), Tom Johansen aura disparu de la carte après le troisième album. J’ai longtemps adoré cet album, bien plus que le "Onwards Into Battle", que je ne m’imaginais pas à hauteur. Bien mal m’en a pris lorsqu’une discussion avec un autre chroniqueur m’a ordonné l’écoute méticuleuse de l’acmé discographique des Norvégiens… Alors pour ne pas entacher cet album que ma mémoire conserve précieusement dans un coin avec d’autres joyeusetés, je le note avec un peu plus de passion qu’à l’accoutumée.