Il était bien temps de parler de ce groupe allemand de Pagan Black Metal dont, sans doute, les anciens reconnaîtront cette pochette plutôt évocatrice du contenu de l’album. En 1997, MENHIR, emmené par l’impétueux Heiko Gerull, s’inscrit en tant que pionniers d’une scène germanique friande de la mythologie teutonique, avec d’autres groupes tels que BLACK MESSIAH, FALKENBACH ou bien encore les plus méconnus ANDRAS. Après une première démo, "Die Ewigen Steine" inaugure une suite prolixe d’albums qui, si elle ne permettra pas au groupe d’embrasser la lumière comme d’autres, pavera la voie qu’emprunteront d’autres groupes par la suite en mélangeant, comme leurs aînés, paganisme et Black Metal avec un ancrage et engagement culturel et linguistique fort.
Ce premier album de MENHIR est intéressant à plus d’un tour, et pas que pour son côté fondateur. Doté de belles compositions aux mélodies prenantes et délicatement atmosphériques (grâce à l’appui discret de claviers), "Die Ewigen Steine" est un disque ni trop brutal, ni trop gentillet. Porté par des riffs accrocheurs et des rythmes entêtants, l’album s’écoute aisément et se fait parfois remarquable sur certains titres. La technique des musiciens est assez consistante pour que nous ne froncions pas les sourcils, et il se dégage de ce groupe une belle maturité générale. Heiko Gerull est l’artisan des compositions et occupe une belle position de chanteur, alternant entre voix criarde subtilement vociférée et râpeuse, et celle d’un intéressant chant clair.
Comme je vous le disais plus haut, des titres vont s’avérer très beaux du fait de leur mélodicité et de leurs ambiances qui s’accrochent dans votre mémoire pour surgir de temps à autre et se rappeler à vos bons souvenirs. Notamment le titre introducteur "Menhir", qui nous laisse découvrir de très beaux leads entourant les vocaux de Heiko, et les déjà très belles nappes de claviers discrètes et rôdant toujours aux alentours. "Barditus" est aussi ce titre qui ravira votre écoute, avec notamment ce beau solo malgré ses quelques maladresses de jeunesse, et ses longueurs. C’est qu’avec ce genre de morceaux, nous avons à leur écoute, comme la douce impression de traverser la forêt de Thuringe en remontant le temps et en respirant l’héritage des ancêtres.
L’acmé de l’album réside dans ces deux superbes titres que sont "Winter" et surtout "Warrior Of The North". Si le premier paraît nous conter une légende ancienne grâce à l’appui du chant clair délicat de Heiko, d’un riffing très épique, de quelques éléments acoustiques, et de ce toujours très beau clavier, la tribalité du second "Warrior Of The North" est plus qu’intéressante. Seul titre chanté en anglais, son accent plus frontal et guerrier – du moins durant les deux premières minutes – nous embarque dans une chevauchée solitaire dans une lande déserte. La beauté de son orgue puis d’un solo ravageur très 90s vers les 2:35, nous ramène quelques frissons avant que le titre ne retourne à sa préoccupation belliqueuse et martiale.
MENHIR semble nous conter une procession païenne tout du long des quarante minutes de ce premier album. Peu d’effusion de violence, de blasts ou d’explosions vocales virulentes. L’accent est davantage porté vers la lente montée en tension d’ambiances tour à tour tragiques, éthérées (presque élégiaques parfois, de par la texture des claviers), ou débordant d’émotions variées. C’est aussi tout l’intérêt de ce disque. La suite restera intéressante, mais s’avérera moins inspirée et plus banale, et l’album "Thuringia", sorti en 1999, en est le parfait exemple. MENHIR conservera un attrait discret, mais se reposera peut-être un peu trop sur ses lauriers. En tous cas, pas de quoi bouder ce très bel "Die Ewigen Steine".