AGATHODAIMON ont toujours été les gentillets de la bande, ne leur en déplaise. Les créneaux d’agressivité, de violence, de folie ne leur étaient pas destinés et semblaient d’ailleurs complètement hors de portée pour ce groupe. Bardé d’un Black Metal mélodique à tendance symphonique plutôt mi-tempo, nos Allemands n’ont pas joué l’effroi de leurs confrères scandinaves, ni la surenchère vampirico-britannique de l’époque (CRADLE OF FILTH, HECATE ENTHRONED). Pourtant, quelque chose du romantisme allemand transpire dans les riffs d’AGATHODAIMON, un je-ne-sais-quoi qui respire le Sehnsucht, le vague à l’âme, les souffrances du jeune Werther (1), ou le drame de Don Carlos (2). Les compositions cherchent donc à nourrir une réflexion tout à la fois romantique et gothique.
Et si je dois égayer cette chronique, je pourrais vous assurer que "Blacken The Angel" dispose de titres fort charmants. Par exemple, le titre introductif, "Tristețea Vehemență", qui développe une belle maîtrise instrumentale et se veut un guide d’émotions fragiles et néanmoins intéressantes. Ce morceau est déclamé en anglais et roumain, la faute au parolier répondant au doux sobriquet de Vlad Dracul ; cela pourrait, par un jugement peu savant, indiquer une accointance avec les Carpathes, mais ce serait tellement nullissime d’imaginer une chose pareille, car clairement AGATHODAIMON tente de jouer la carte d’un Black Metal original sans jamais trop y parvenir. La faute assurément à des longueurs regrettables dans pas mal de compositions.
Certaines semblent épargnées, je pense notamment à "Banner Of Blasphemy", qui est maîtrisée et développe une ambiance imparable, malgré — il faut bien le dire — un growl un peu à la traîne, manquant de profondeur et d’impact. Néanmoins, cette track est la pièce maîtresse de l’album, l’insertion des synthétiseurs développe enfin un peu de maléfice dans un album qui en manque cruellement. "Ribbons/Requiem", qui ferme la marche de l’album, est quant à lui évocateur d’une belle maîtrise instrumentale, le riffing est bon, le rythme du morceau est bien travaillé et l’écoute est excellente. Une très belle balade sonore d’un Black Metal raffiné et enfin captivant.
D’autant plus que la production est bonne et signée Nuclear Blast, mesdames, messieurs, excusez du peu ! Le placement des instruments est parfaitement audible et maints détails sont à portée d’écoute. Les Teutons avaient donc de quoi magnifier leurs compositions mais, malgré la signature d’un contrat probablement juteux, l’album ne décolle jamais après les deux premiers morceaux. Cela en devient même gênant, voire soporifique, sur "Near Dark", où je perds le groupe dans sa logique. Ce titre dure plus de 15 minutes et arrive en troisième position dans le placement des titres, une incongruité absolue. "Near Dark", ou comment perdre l’auditeur rapidement : les breaks semblent collés entre eux et des minutes semblent remplies de passages mièvres.
Le "Blacken The Angel" d’AGATHODAIMON m’avait pourtant toujours fait rêver, notamment sa pochette qui m’évoquait la possibilité d’une belle rêverie et une ouverture à l’imaginaire. Jouissant d’une bonne distribution grâce à son label, je la voyais souvent trôner en bonne place dans les magazines de l’époque, mais l’écoute de l’album ne m’a jamais enchanté. Non pas que les mélodies soient médiocres, mais une forme de monotonie pointe rapidement à l’horizon et a une fâcheuse tendance à endormir l’écoute. Premier essai donc assez mitigé, mais le groupe redressera quelque peu la barre par la suite, avec une meilleure lisibilité de son approche musicale.
(1) Johann Wolfgang Von Goethe : "Les souffrances du jeune Werther" - 1774.
(2) Friedrich Von Schiller : "Don Carlos" - 1787.