Avant que le groupe ne s’entiche de leurs fameuses peaux de bêtes et qu’il aille pasticher d’autres groupes lorgnant sur le même fonds de commerce regorgeant de signifiants Vikings en tous genres ou de mythologie nordique, BLACK MESSIAH produisit un premier album intéressant bien trop méconnu mais qui, pourtant, déjà se démarquait des sorties de l’époque. Produit sur le label Last Episode (NEBULAR MOON, MYSTIC CIRCLE, SUIDAKRA, BELPHEGOR), Zagan – le maître à penser multi-instrumentiste et compositeur – et Nabahm, son batteur, allaient nous sortir pourtant un album bien arrangé et doté de solides arguments.
Relique du passé, cet album que je vous déterre se meut dans un Black Metal oscillant entre des éléments symphoniques qu’un clavier assure à intervalles réguliers et des ambiances Pagan somme toute déjà un peu marquées. Peu distribué, l’album n’a jamais su sortir de la pénombre dans laquelle il s’est rapidement installé. Poussé aussi, je dois bien le dire, par le groupe lui-même qui, suite notamment à des instabilités de line-up et des désirs d’embrasser bien plus rapidement les affres du Pagan Metal, s’est plus ou moins rapidement débarrassé de son ADN originel plutôt Black Metal.
Pourtant, lorsque vous écoutez le titre superbement composé qu’est "Old Gods", avec son orgue fantomatique, ses riffs superbes et entraînants et les expressions fortes de la basse, ainsi que son somptueux passage violon/ guitare acoustique/ bougarabou, nul doute que nous détenons une petite pépite d’avant le nouveau millénaire. Sorti en plein milieu de la grande époque du Metal extrême, cet album pourtant ne démérite pas, et pourrait s’installer en bonne place parmi les très belles surprises de 1998. Que dire aussi de "Pagan Winter" ? Peut-être qu’il est la pièce d’orfèvrerie de l’album, ni plus ni moins. Toute la magie de BLACK MESSIAH y est concentrée : lugubrité de l’orgue, pierre angulaire du titre, basse détonante et en roue libre, riffing enivrant, la belle maîtrise et le jeu intéressant de Nabahm. Même la voix plutôt conventionnelle de Zagan fait correctement son office. Le tout s’agrémente d’une production bien de l’époque, mais parfaitement honorable.
Certains titres annoncent déjà le futur album "Oath Of A Warrior", sorti en 2005 après de longues années d’instabilité groupale dira-t-on, leur côté Pagan mâtiné de cet encore Black Metal fait mouche. Je pense à "Diabolic Rites", ou au title-track, mais surtout à l’indomptable "Crusade Of The Blackened" et à ses ornements épiques et atmosphériques à la fois. Les incursions du violon de Zagan galbent l’aspect mélancoliforme du titre. Un petit mot, enfin, de la doucereuse pièce acoustique qu’est "Queen Of Darkness" et de ce dialogue envoûtant et fragile entre Zagan et une illustre inconnue au timbre charnel, Andrea Zaddach. Là encore, la basse, le violon et la guitare acoustique se jouent de nos sens et nous font hérisser les poils… Comme très souvent sur cet "Sceptre Of Black Knowledge".
Nous aurions tort de bouder cet album de la grande époque. Il reste pourtant à l’image de BLACK MESSIAH : travaillé et soigné, doté de multiples tessitures sonores et intriquant une foultitude d’instruments. La scène du Black Metal allemand n’a jamais fait de la figuration et mettra en lumière une myriade de groupes plus passionnants les uns que les autres (LUNAR AURORA, DRAUTRAN, DARK FORTRESS, MEPHISTOPHELES…). En attendant d’autres chroniques de BLACK MESSIAH – du moins à minima ce fort intéressant "Oath Of A Warrior" – plongez sans réserve dans cet autre oublié.