À la fin des années 90, les Suédois de THYRFING émergent sur une scène riche en Black et Death Mélodique et s’en démarquent en proposant une démarche plus épique et païenne que leurs contemporains. S’inscrivant dans une mouvance où s’émancipent déjà MITHOTYN et, dans une moindre mesure, ALLEGIANCE (beaucoup plus Black que Viking) en Suède, THYRFING, avec une touche plus mélodique et accessible que certains groupes plus raw de Norvège (KAMPFAR, FALKENBACH, les premiers albums de ENSLAVED, HELHEIM), nous propose un premier effort bien salué par les critiques de l’époque. Si nous pourrions aussi nous amuser à les comparer à BORKNAGAR, WINDIR, FORLORN, le Viking/Black Metal atmosphérique de cet album éponyme saute aux yeux et se veut bien singulier.
Hammerheart Records ne s’est pas trompé en signant le groupe. Il faut dire que leurs deux démos "Solen Svartnar" (1995) et "Hednaland" (1996) ont bien circulé dans l’underground scandinave (avec le fameux réseau de tape-trading) et ont rapidement attiré l’attention du label. Le nom « Thyrfing » vient d’une épée mythologique (mentionnée dans les sagas islandaises), censée être maudite et porter malheur à quiconque la porte. D’emblée, le côté épique et tragique se pressent du côté de ce quintette bien inspiré. Et cet album va nous confirmer ces intuitions. La pochette marquante, signée par l’artiste belge Kris Verwimp, va également contribuer à l’identité visuelle forte du groupe. THYRFING est, notons-le, ce groupe qui s’est beaucoup bougé en ne ménageant pas ses efforts pour développer l’essor de la scène. Outre les concerts auto-organisés avec CONCEALED et A MIND CONFUSED, le guitariste et fondateur du groupe Patrick Lindgren et le chanteur Thomas Väänänen vont aussi lancer leur propre fanzine « Mysticism Magazine », leur permettant ainsi de tisser des liens avec la scène underground internationale et de promouvoir leur propre groupe THYRFING.
Alors forcément, la rampe de lancement de ce premier album était déjà bien construite et le contenu musical allait également contribuer à l’essor des Suédois. Si vous écoutez attentivement "Thyrfing", vous serez agréablement surpris de trouver quelques hits du combo. La nostalgie aidant, "Set Sail To Plunder", que j’avais connu sur l’un des premiers samplers de Hard Rock Magazine, me paraît toujours aussi flamboyant et entraînant. Les nappes de claviers sont ici, et d’une manière générale sur l’album, très bien agencées au riffing et dégagent une atmosphère volontiers épique. "Thyrfing" est guerroyeur mais pas tant que cela belliqueux. Cela en fait un disque accessible et d’abord immédiat. "Ur Askan Ett Rike" me plaît toujours autant avec l’aisance mélodique un poil guimauve des claviers (toujours et encore eux !) et son riffing très STORM-esque (comprenez celui de "Nordavind"). "Celebration Of Our Victory" est aussi un de ces titres dont il ne faudra pas manquer l’écoute si, d’ordinaire, vous vous mettiez à vouloir écouter ce disque.
De ce côté de la rive, celle de la sombreur épique et de la mélodie enchanteresse, j’apprécie THYRFING. Ce qui me fâche un peu plus, c’est la dérive parfois grandiloquente de certains titres. Le titre de clôture, "Going Berserk", en est le parfait exemple. Au secours, les claviers pouet-pouet, c’est « too much », sauf peut-être pour annoncer la fête au village ou le énième bal costumé du coin. Et c’est cela qui, de temps à autre, au détour de certains breaks, peut avoir tendance à doucement me crisper. N’oublions pas cependant que cette œuvre de jeunesse est assez prodigieuse, surtout eu égard au reste de la discographie. En toute connaissance de celle-ci, j’en reviens toujours à "Thyrfing", peut-être par nostalgie, mais aussi parce que, dans sa fragilité, son insouciance, ses petites erreurs, se cache surtout un très bel album bien emporté et suffisamment codé pour mériter son template Viking/Black Metal racé. Difficile de lui accorder une excellente note, tout autant que de le considérer tout juste bon. L’entre-deux lui sied mieux.